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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/184

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RACINE.

du tour d’esprit particulier au poète. Ils sont galants, respectueux, bien disants, respectueux observateurs des convenances, en un mot « courtisans français », comme disait Voltaire. Trop souvent le vernis uniforme de la politesse contemporaine revêt leurs déclarations et leurs hommages, l’expression de leur joie ou de leur plainte. Ils adorent les femmes selon le code des salons et de la cour. Le savoir-vivre leur impose trop de saluts, de révérences, de baise-mains, d’airs agenouillés. Si violente que soit leur passion, elle observe les convenances extérieures. Par cela même, leurs manières ont beaucoup d’uniformité.

Mais ce ne sont là que des apparences. De même que chez les femmes, l’énergie individuelle, la différence des conditions, la nature des sentiments dominent en eux. Pas plus qu’aux femmes, il ne faut leur demander de n’être pas de leur temps, mais, cette transposition admise, ils disent et font ce qu’ils doivent faire, toujours avec justesse, souvent avec force.

Britannicus défend sa fiancée contre Néron avec une fierté de prince du sang, une ardeur d’amoureux, un courage de jeune homme. La scène où il brave son effrayant rival est singulièrement vibrante, et on ne peut vraiment partager l’avis de Boileau, qui le trouvait « petit » devant lui. Achille n’a plus la férocité mythologique, la grandeur sauvage et la simplicité primitive qui, dans l’Iliade, caractérisent le fils de Thétys, l’ami de Patrocle, le maître de Briséis, l’ennemi d’Agamemmon et le vainqueur d’Hector. Racine ne songeait pas à reproduire tous