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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/186

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RACINE.

belle allure, par son mépris de la mort, lorsqu’il a perdu la partie engagée avec Roxane.

Si noble et si triste dans le plus pénible des rôles, celui d’amant auquel on offre l’amitié au lieu de l’amour et qui reçoit des confidences, Antiochus incarne avec une dignité parfaite une sorte de personnage, très commun dans la vie, où son attitude est si difficile, que le théâtre l’a rarement abordé avec bonheur.

L’infériorité de ces personnages, dans les pièces ou les scènes qui laissent le premier plan aux femmes, vient de l’inégalité de sentiments qui existe entre elles et eux. L’amour des femmes, étant plus fort ou plus tendre, leur procure naturellement cette supériorité. Les hommes reprennent l’avantage lorsqu’ils ne sont pas aimés, car alors leur douleur égale l’énergie de l’amour féminin. Ajoutée à ce que leur caractère ou leur condition, leurs vertus ou leurs vices, leur procurent par ailleurs de relief, ils occupent la scène avec une puissance supérieure d’intérêt et d’émotion. Oreste, victime du destin et si justement triste, élève au suprême degré la faculté de souffrir. Pyrrhus, qu’Andromaque pourrait aimer dignement si elle n’était pas défendue par des sentiments plus forts que l’amour, Pyrrhus, si ardent et si généreux, malgré la férocité qui lui vient du sujet, a des révoltes et des soumissions, des colères et des supplications d’une vérité toujours jeune.

Mais l’amour dédaigné a permis à Racine de tracer deux figures incomparables, celles de Néron et de Mithridate. Néron n’est pas seulement le tyran qui s’exerce au crime, c’est aussi le monstre en qui