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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/26

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RACINE.

Par l’esprit, sinon par le cœur, il est déjà si détaché de Port-Royal qu’il plaisante, à propos d’événements aussi considérables pour le monastère que le départ forcé de M. Singlin, la nomination d’un supérieur imposé et la dispersion des solitaires. On sent déjà, dans cette légèreté railleuse ou indifférente, une indépendance de cœur qui annonce les fameuses lettres à Nicole.

Enfin, il laisse courir un sonnet, aujourd’hui perdu, à la louange de Mazarin. C’est le premier éclat aux yeux de Port-Royal, qui lui adresse « lettres sur lettres, ou, pour mieux dire, excommunications sur excommunications ». Le jeune poète ne s’en émeut guère, et, en 1660, il fait imprimer une ode, la Nymphe de la Seine, sur le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse. Il l’a soumise à Chapelain et à Perrault, qui l’ont approuvée, surtout Chapelain, qui l’a trouvée « fort belle et fort poétique ». Au vrai, elle suit avec une correction banale les règles d’un genre faux, la flatterie fade et la galanterie froide, sous forme de fiction mythologique. Il n’y a de racinien que la fluidité et l’harmonie.

La pièce plut et, sur la recommandation de Chapelain, Colbert envoya cent louis au poète. Peu après, il le couchait sur l’état pour une pension de six cents livres, « en qualité d’homme de lettres ». Cette fois, aux yeux de Port-Royal, le scandale était public. L’enfant qui avait fait naître tant d’espérances devenait une pierre de scandale.

Peut-être était-il encore temps de le sauver en le dépaysant. Quelques mois après la publication de son ode, nous le trouvons à Chevreuse, où il se