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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/28

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RACINE.

ments de l’Île-de-France, c’est-à-dire le besoin de la mesure, une réserve doucement ironique et, par-dessus tout, la crainte, en entendant le « patois » languedocien, de perdre la fleur de son français. Il était prompt à subir l’influence des milieux, mais seulement de ceux avec lesquels il avait une affinité naturelle. Il fut d’autant plus réfractaire à celui-ci que tout, en Languedoc, était l’opposé des paysages, des mœurs et des sentiments au milieu desquels il avait grandi. L’intérêt des nombreuses lettres qu’il écrivit d’Uzès, pendant un séjour d’au moins un an, consiste en grande partie dans les jugements par lesquels ce « Français » témoigne une antipathie discrète, mais profonde, pour un pays et une race avec lesquels il ne se sent rien de commun.

Racine était arrivé à Uzès au commencement de novembre 1661. On y montre encore le logis qu’il aurait habité : c’est une ancienne tour de l’enceinte, aménagée en pavillon au milieu d’un parc qui faisait suite au palais épiscopal. La chambre voûtée qui en est la principale pièce, et où de grossières fresques à l’italienne rappellent aujourd’hui le séjour du poète, devait être une habitation fort agréable. Elle ouvre sur un balcon qui domine une riante vallée, la vallée de l’Eure, au milieu de laquelle caqueté un vieux moulin et que cerne un cirque de collines arides, contrastant avec la fraîche verdure du fond. Un énorme micocoulier, plusieurs fois centenaire, ombrage le pavillon. Au-dessous s’étendent des champs parsemés d’oliviers ; plus bas l’ancien parc épiscopal couvre la pente. On y voit un salon d’été