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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/39

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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

Port-Royal répliqua, faiblement, par la plume de Barbier d’Aucourt et de Du Bois. Aussitôt Racine de riposter à la riposte. Sa seconde lettre était encore plus vive et plus mordante que la première. Forme et fond, les deux lettres rappelaient Pascal et annonçaient Voltaire. Mais c’est toujours un triste rôle que celui de transfuge. Ici la désertion se serait aggravée d’ingratitude. Non seulement Racine ne devait, en aucun cas, passer aux ennemis de Port-Royal, mais rien ne pouvait l’affranchir de sa reconnaissance envers les solitaires. Les plaisanteries sur M. Le Maistre et sur la Mère Angélique devenaient odieuses dès qu’on savait les obligations de l’auteur envers ses victimes.

Et puis, aurait-il été libre que, sous la forme brillante de ses lettres, le fond serait resté faible. Tout polémiste ne montre qu’une part de la vérité, celle qui est favorable à sa cause, mais encore faut-il que cette part soit suffisante et que, au total, la cause qu’il défend ait pour elle la justice. Ces deux conditions se trouvent dans les Provinciales ; elles manquent dans les Lettres à l’auteur des Imaginaires. Racine prenait la question par les petits côtés ; il n’était pas toujours de bonne foi ; surtout, il laissait en dehors du débat ce qui faisait la grandeur de Port-Royal, la haute question morale qui domine son histoire.

La seconde lettre ne fut pas publiée. Racine la lut à quelques amis, dont Boileau, qui, avec sa rude franchise, « lui représenta que cet ouvrage feroit honneur à son esprit, mais n’en feroit pas à son cœur ». Racine la remit donc en portefeuille, mais,