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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/64

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RACINE.

contre lui jusqu’aux heures où l’on représentoit ses comédies. » Il réparera plus tard ces torts envers Corneille. Il ne se contentera pas de lui rendre justice en conversation privée et de dire à son fils Jean-Baptiste, avec une modestie excessive : « Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les miens. » En recevant, le 2 janvier 1685, Thomas Corneille à l’Académie, il traitera le grand Corneille de « personnage véritablement né pour la gloire de son pays, comparable aux Eschyles, aux Sophocles, aux Euripides. »

Saint-Evremond, d’autant plus sévère que le jeune poète s’élevait plus haut, lui accordait, cette fois encore, quelques éloges parcimonieux et concluait par cette opinion singulière : « Je déplore le malheur de cet auteur d’avoir si dignement travaillé sur un sujet qui ne peut souffrir une représentation agréable. » L’erreur était lourde, surtout de la part de l’homme qui avait parlé si justement du sens de l’histoire dans la tragédie, à propos d’Alexandre. Il était évident, au contraire, que cette fois Racine abordait la tragédie historique avec un même sens de l’histoire et du théâtre ; que, pour un coup d’essai, il égalait Corneille sur son propre terrain ; que si Corneille s’était élevé dans Horace à la hauteur de Tite-Live, avec Britannicus Racine rivalisait avec Tacite, « le plus grand peintre de l’antiquité » ; que, « rempli de la lecture de cet excellent historien », il montrait de Rome et de l’Empire une intelligence telle que, non seulement Corneille, mais Shakespeare, n’en surpassent pas la profondeur.

Boileau lui-même, malgré son attitude à la pre-