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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/90

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RACINE.

duc de Nevers, furieux, riposta par un nouveau sonnet qui se terminait par une menace

… De coups de bâton donnés en plein théâtre.


On voit, par une lettre de Bussy, quels étaient dans l’affaire les sentiments de l’opinion titrée : « Bien que ces injures fussent des vérités, elles dévoient attirer mille coups d’étrivières à des gens comme ceux-là. » Les deux poètes ne se piquaient ni l’un ni l’autre du courage alors réservé aux nobles et aux gens d’épée, et ils avaient grand’peur. Le grand Condé intervint et leur fit adresser ce billet par son fils M. le Duc : « Si vous n’avez pas fait le sonnet, venez à l’hôtel de Condé, où Monsieur le Prince saura bien vous garantir de ces menaces, puisque vous êtes innocents, et si vous l’avez fait, venez aussi à l’hôtel de Condé, et Monsieur le Prince vous prendra de même sous sa protection, parce que le sonnet est très plaisant et plein d’esprit. » Cependant, quelque temps après, Pradon faisait courir le bruit que Boileau avait été bâtonné. Le grand Condé intervenait encore et faisait dire au duc de Nevers « qu’il vengeroit comme faites à lui-même les insultes qu’on s’aviseroit de faire à deux hommes qu’il aimoit ». Cette fois, l’affaire était terminée.

Nous en avons comme le résumé poétique et la morale littéraire dans l’épître de Boileau « sur l’utilité des ennemis ». Malheureusement, malgré les chaleureuses consolations de son ami, Racine conservait une impression décourageante qui, jointe à d’autres causes, allait l’écarter du théâtre