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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/93

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RETRAITE THÉÂTRE.

déposés dans son âme par les solitaires levaient et grandissaient après un long sommeil. Le choix du sujet dans sa dernière tragédie, et surtout la manière dont il l’avait traité, était un premier indice de ces dispositions. En proposant un but moral au théâtre, il avait ainsi terminé la préface de Phèdre : « Ce seroit peut-être un moyen de réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et par leur doctrine, qui l’ont condamnée dans ces derniers temps, et qui en jugeroient sans doute plus favorablement si les auteurs songeoient autant à instruire les spectateurs qu’à les divertir. »

C’était une avance à ses anciens maîtres et un commencement d’excuses. La mère de Sainte-Thècle fut la première à recevoir l’expression de ce repentir : « C’est elle, écrivait plus tard Racine à Mme de Maintenon, qui m’apprit à connoître Dieu dans mon enfance, et c’est elle aussi dont Dieu s’est servi pour me tirer de l’égarement et des misères où j’ai été engagé pendant quinze années. » Encouragé par elle, il osa rendre visite à Nicole. « Il ne lui fut pas difficile, raconte Louis Racine, de faire sa paix avec M. Nicole, qui ne savoit pas ce que c’étoit que la guerre et qui le reçut à bras ouverts. »

L’entreprise était plus malaisée avec le grand Arnauld, « qui avoit toujours sur le cœur les plaisanteries écrites sur la mère Angélique ». En aidant cette fois de quelque diplomatie sa franchise accoutumée, Boileau rendit possible la démarche suprême. Il porta Phèdre à Arnauld, et lui demanda son sentiment : « Il n’y a rien, répondit Arnauld, à reprendre au caractère de Phèdre, puisque, par ce caractère,