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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/115

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nous sommes sans armes, mais jamais autrement. L’Empereur s’est mis à marcher pour tâcher de se poster à propos ; mais on n’a pu retrouver les perdrix ; il s’est fatigué promptement et a pris le parti de monter à cheval, faisant observer que tout ceci n’était point précisément les chasses de Rambouillet ni de Fontainebleau. Au retour, nous avons déjeuné sous la tente ; l’Empereur a fait asseoir à table le petit Tristan, qu’il a vu traverser la prairie, et s’en est fort amusé pendant tout le repas.

L’annonce du gouverneur nous a fait quitter précipitamment la tente et prendre refuge chacun dans notre tanière. L’Empereur a voulu beaucoup moins qu’un autre se laisser relancer ; ses conversations avec le gouverneur lui sont par trop pénibles et désagréables. « Je n’en veux plus avoir, dit-il ; il m’échappe des choses dures qui compromettent mon caractère et ma dignité : il ne doit sortir de ma bouche que des choses flatteuses. » Il se trouvait fatigué de sa course du matin, il s’est mis au bain.

Sur les cinq heures, il a fait un tour en calèche ; le temps était délicieux.

Le gouverneur avait vivement désiré voir l’Empereur ; il avait, disait-il, à lui parler d’affaires. On soupçonne que c’était pour lui dire qu’il n’avait plus d’argent, qu’il avait tout épuisé et ne savait plus comment faire, ce qui eût été fort indifférent à l’Empereur, qui n’eût pas manqué de le prier de nouveau de le laisser tranquille.

Avant le dîner, l’Empereur jouait aux échecs dans le salon ; il avait