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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/119

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à vaincre pour ramener le catholicisme. On m’eût suivi bien plus volontiers si j’eusse arboré la bannière protestante ; c’est au point qu’au Conseil d’État, où j’eus grande peine à faire adopter le concordat, plusieurs ne se rendirent qu’en complotant d’y échapper. Eh bien ! se disaient-ils l’un à l’autre, faisons-nous protestants, et cela ne nous regardera pas. Il est sûr qu’au désordre auquel je succédais, que sur les ruines où je me trouvais placé, je pouvais choisir entre le catholicisme et le protestantisme ; et il est vrai de dire encore que les dispositions du moment poussaient toutes à celui-ci ; mais outre que je tenais réellement à ma religion natale, j’avais les plus hauts motifs pour me décider. En proclamant le protestantisme, qu’eussé-je obtenu ? J’aurais créé en France deux grands partis à peu près égaux, lorsque je voulais qu’il n’y en eût plus du tout ; j’aurais ramené la fureur des querelles de religion, lorsque les lumières du siècle et ma volonté avaient pour but de les faire disparaître tout à fait. Ces deux partis, en se déchirant, eussent annihilé la France, et l’eussent rendue l’esclave de l’Europe, lorsque j’avais l’ambition de l’en rendre la maîtresse. Avec le catholicisme j’arrivais bien plus sûrement à tous mes grands résultats ; dans l’intérieur, chez nous, le grand nombre absorbait le petit, et je me promettais de traiter celui-ci avec une telle égalité qu’il n’y aurait bientôt plus lieu à connaître la différence. Au-dehors, le catholicisme me conservait le pape ; et avec mon influence et nos forces en Italie, je ne désespérais pas tôt ou tard, par un moyen ou par un autre, de finir par avoir à moi la direction de ce pape ; et dès lors quelle influence ! quel levier d’opinion sur le reste du monde ! etc., etc. » Et il a terminé disant : « François Ier était placé véritablement pour adopter le protestantisme à sa naissance et s’en déclarer le chef en Europe. Charles-Quint, son rival, prit vivement le parti de Rome ; c’est qu’il croyait voir là pour lui un moyen de plus d’obtenir l’asservissement de l’Europe. Cela seul ne suffisait-il pas pour indiquer à François Ier la nécessité de se charger de défendre l’indépendance de cette même Europe ? mais il laissa le plus pour courir après le moins. Il s’attacha à poursuivre ses mauvais procès d’Italie ; et, dans l’intention de faire sa cour au pape, il se mit à brûler des réformés dans Paris. »

« Si François Ier eût embrassé le luthéranisme, si favorable à la suprématie royale, il eût épargné à la France les terribles convulsions religieuses amenées plus tard par les calvinistes, dont la teinte, toute républicaine, fut sur le point de renverser le trône et de dissoudre notre belle monarchie. Malheureusement François Ier ne comprit rien