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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/168

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Grouchy eût campé devant Wavres la nuit du 17 au 18, l’armée prussienne n’eût fait aucun détachement pour sauver l’armée anglaise, et celle-ci eût été complètement battue par les soixante-neuf mille Français qui lui étaient opposés.

« 3° La position de Mont-Saint-Jean était mal choisie. La première condition d’un champ de bataille est de n’avoir pas de défilés sur ses derrières. Pendant la bataille, le général anglais ne sut pas tirer parti de sa nombreuse cavalerie ; il ne jugea pas qu’il devait être et serait attaqué par sa gauche, il crut qu’il le serait par sa droite. Malgré la diversion opérée en sa faveur par les trente mille Prussiens du général Bulow, il eût deux fois opéré sa retraite dans la journée, si cela eût été possible. Ainsi, par le fait, ô étrange bizarrerie des évènements humains ! le mauvais choix de son champ de bataille, qui rendait toute retraite impossible, a été la cause de son succès !!!

Neuvième observation. – « On demandera : Que devait donc faire le général anglais après la bataille de Ligny et le combat des Quatre-Bras ? La postérité n’aura pas deux opinions : il devait traverser, dans la nuit du 17 au 18, la forêt de Soignes sur la chaussée de Charleroi ; l’armée prussienne la devait également traverser sur la chaussée de Wavres ; les deux armées se réunir à la pointe du jour sur Bruxelles ; laisser des arrière-gardes pour défendre la forêt ; gagner quelques jours pour donner le temps aux Prussiens, dispersés par la bataille de Ligny, de rejoindre leur armée, se renforcer de quatorze régiments anglais qui étaient en garnison dans les places fortes de la Belgique, où ils venaient de débarquer à Ostende, de retour d’Amérique, et laisser manœuvrer l’Empereur des Français comme il aurait voulu. Aurait-il, avec une armée de cent mille hommes, traversé la forêt de Soignes pour attaquer au débouché les deux armées réunies, fortes de plus de deux cent mille hommes et en position ? c’était certainement tout ce qui pouvait arriver de plus avantageux aux alliés. Se serait-il contenté de prendre lui-même position ? son inaction ne pouvait pas être longue, puisque trois cent mille Russes, Autrichiens, Bavarois, etc., étaient arrivés sur le Rhin : ils seraient dans peu de semaines sur la Marne, ce qui l’obligerait à accourir au secours de sa capitale. C’est alors que l’armée anglo-prussienne devait marcher et se joindre aux alliés sous Paris. Elle n’aurait couru aucune chance, n’aurait éprouvé aucune perte, aurait agi conformément aux intérêts de la nation anglaise, au plan général de guerre adopté par les alliés, et aux règles de l’art de la guerre. Du 15 au 18, le duc de Wellington a constamment manœuvré comme l’a désiré son en-