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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/17

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quoi ? – Parce que ce n’est pas un mariage convenable pour Madame. – Comment ! s’écrie l’Autrichien scandalisé et fatiguant ses poumons, Son Altesse Royale monseigneur l’archiduc Charles ! pas un mariage convenable pour votre princesse ! – Eh ! non, Monsieur, elle ne ferait là qu’un mariage de garnison. »

« Du reste, ces hautes prétentions nous venaient de notre éducation : c’était là, à nous, notre sentiment national ; et nos princes n’en étaient pas exempts. Chez nous les frères du roi dédaignaient le titre d’Altesse Royale : ils avaient la prétention d’écrire, avec le titre de frère à tous les souverains, le reste était à l’avenant ; aussi n’était-ce qu’un cri en Europe contre nos manières de Versailles et les prétentions de nos princes.

« Gustave III nous disait, à Aix-la-Chapelle : « Votre cour de Versailles n’était pas abordable ; sa hauteur et son persiflage étaient aussi par trop forts : quand j’y ai été, on m’y regardait à peine, et en la quittant j’emportai le brevet de lourdaud, de ganache. »

« La duchesse de Cumberland, mariée au frère du roi d’Angleterre, avait à se plaindre, dans le même temps et dans la même ville, que la princesse de Lamballe ne lui accordât pas les honneurs des deux battants.

« Le vieux duc de Glocester, à Londres, se plaignait plus tard, pour son compte, d’un de nos princes du sang, et disait qu’au surplus le prince de Galles riait beaucoup de ce que lui-même, prince de Galles, l’appelant monseigneur, notre prince s’étudiait soigneusement à tourner ses phrases de manière à ne le lui jamais rendre.

« Toutefois, à Coblentz, dans nos circonstances nouvelles, nos princes daignaient altérer leurs mœurs à cet égard et descendre au niveau des princes étrangers. Ils se trouvaient en ce moment auprès de l’électeur de Trèves, prince de Saxe, frère de leur mère, lequel, par parenthèse, nous dévorions alors, et auquel nous avons coûté plus tard la perte de ses États ; ils daignaient l’appeler mon oncle ; lui pouvait les appeler mes neveux, et il leur disait un jour, assure-t-on : « C’est à vos infortunes que je dois des expressions si tendres ; à Versailles, je n’eusse été pour vous que M. l’abbé ; il n’est pas sûr que vous m’eussiez reçu tous les jours. » Et on ajoutait qu’il disait vrai, et que le comte de Lusace son frère, là présent, en avait fait la triste expérience.

« Les princes passaient en général leurs soirées dans leur intimité particulière. L’un était la plupart du temps chez madame de Polastron, à laquelle il portait des soins que sa constance et ses formes ont rendus respectables. Ce n’est pas que l’on n’essayât plusieurs fois, mais toujours en vain, de l’en distraire, tant les intrigants trouvaient peu leur compte