Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pleine d’assertions fausses et absurdes, qui par la plus bizarre des circonstances, et bien assurément contre toute prévoyance de la part de Kléber, vint tomber précisément entre les mains de celui contre lequel elle était principalement dirigée : Napoléon venait de succéder au Directoire, Desaix arriva près du Premier Consul, au moment de Marengo ; Napoléon lui demandait comment il avait pu signer la capitulation de l’Égypte, car l’armée, lui observait-il, était suffisante pour la garder. Nous ne devions plus la perdre. « Cela est vrai, répondit Desaix, et l’armée était certainement assez nombreuse pour cela ; mais le général en chef ne voulait plus y demeurer. Or, le général en chef, à cette distance, n’est pas un seul homme dans l’armée, il en est la moitié, les trois quarts, les cinq sixièmes. Il ne me restait donc qu’à le déposséder, mais il était douteux que j’eusse réussi, et puis c’eût été un crime ; car, en pareil cas, le lot d’un soldat est d’obéir, je l’ai fait. »

Desaix, à Marengo, aussitôt après son arrivée, reçut le commandement de la réserve. Sur la fin de la bataille, et au milieu du plus grand désordre apparent, Napoléon, arrivant près de lui : « Eh bien ! lui dit Desaix, nos affaires vont bien mal, la bataille est perdue, je ne puis plus qu’assurer la retraite, n’est-ce pas ? – Bien au contraire, lui dit le Premier Consul ; pour moi la bataille n’a jamais été douteuse ; tout ce que vous voyez en désordre, à droite et à gauche, marche pour se former sur votre queue ; la bataille est gagnée. Poussez votre colonne en avant ; vous n’avez qu’à recueillir le fruit de la victoire. »