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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/240

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précipite aux pieds de l’Empereur un des plus beaux grenadiers de sa garde, qui manquait depuis le débarquement, et sur lequel on avait même conçu des doutes ; dans ses yeux roulaient de grosses larmes de joie, il tenait dans ses bras un vieillard de 90 ans ; il le présentait à l’Empereur : c’était son père qu’il était venu chercher et qu’il amenait au milieu de cette multitude. L’Empereur avait ordonné plus tard, aux Tuileries, qu’on peignît un tableau de cette circonstance.

Napoléon arriva à la nuit sous les murs de Grenoble : sa promptitude déjouait toutes les mesures ; on n’avait pas le temps de couper les ponts ni même de mettre les troupes en mouvement. Il trouva les portes de la ville fermées ; on refusait de les ouvrir ; le colonel qui commandait dans la place s’y opposait. « Car une circonstance qui doit caractériser spécialement cette révolution sans pareille, disait l’Empereur, c’est que les soldats ne manquèrent pas, jusqu’à un certain point, de discipline ni d’obéissance envers leurs chefs ; seulement ils employèrent pour leur compte la force d’inertie comme un droit qu’ils auraient cru leur appartenir. » Ainsi on vit le premier bataillon exécuter toutes les manœuvres commandées, se retirer, ne vouloir pas communiquer, mais il ne chargea point ses armes ; il n’aurait pas tiré. Devant Grenoble,