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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/269

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hollandaise ; c’est surtout à la suite de l’article ci-dessus de la lettre qui l’accompagne, qu’il devient curieux de lire ce document du roi Louis, afin de pouvoir, en connaissance de cause, fixer ses idées sur le sujet.


Château de Marach, le 3 avril 1808.

« Monsieur mon frère, l’auditeur D…t m’a remis, il y a une heure, votre dépêche du 22 mars. Je fais partir un courrier qui vous portera cette lettre en Hollande.

« L’usage que vous venez de faire du droit de grâce ne peut qu’être d’un très mauvais effet. Le droit de grâce est un des plus beaux et des plus nobles attributs de la souveraineté. Pour ne pas le discréditer, il ne faut l’exercer que dans le cas où la clémence royale ne peut déconsidérer l’œuvre de la justice ; que dans le cas où la clémence royale doit laisser, après les actes qui émanent d’elle, l’idée de sentiments généreux. Il s’agit ici d’un rassemblement de bandits qui vont attaquer et égorger un parti de douaniers pour ensuite faire la contrebande. Ces gens sont condamnés à mort ; Votre Majesté leur fait grâce ! Elle fait grâce à des meurtriers, à des assassins, à des individus auxquels la société ne peut accorder aucune pitié ! Si ces individus avaient été pris faisant la contrebande ; si même, en se défendant, ils avaient tué des employés, alors vous auriez pu peut-être considérer la position de leurs familles, leur position particulière, et donner à votre gouvernement une couleur de paternité, en modifiant, par une commutation de peine, la rigueur des lois. C’est dans les condamnations pour contraventions aux lois de fiscalité, c’est plus particulièrement encore dans celles qui ont lieu pour des délits politiques, que la clémence est bien placée. En ces matières, il est de principe que si c’est le souverain qui est attaqué, il y a de la grandeur dans le pardon. Au premier bruit d’un délit de ce genre, l’intérêt public se range du côté du coupable, et point de celui d’où doit partir la punition. Si le prince fait la remise de la peine, les peuples le placent au-dessus de l’offense, et la clameur s’élève contre ceux qui l’ont offensé. S’il suit le système opposé, on le répute haineux et tyran. S’il fait grâce à des crimes horribles, on le répute faible ou malintentionné.

« Ne croyez pas que le droit de faire grâce puisse être exercé impunément, et que la société applaudisse toujours à l’usage qu’en peut faire le monarque. Elle le blâme lorsqu’il l’applique à des scélérats, à des meurtriers, parce que ce droit devient nuisible à la famille sociale. Vous avez trop souvent et en trop de circonstances usé du droit de