Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la vérité et des lumières, avaient seuls exercé ce monopole : ils nous avaient raconté tout ce qu’ils avaient voulu, tout ce qui leur avait plu, ou mieux encore, tout ce qui était dans leur intérêt, leurs passions ou leurs vues ! »

Il avait, disait-il, conçu le projet de redresser tout cela autant qu’il était possible ; ainsi il eut nommé des commissions de l’Institut, ou des savants indiqués par l’opinion publique, pour revoir, critiquer et reproduire nos annales. Il eût voulu aussi, de la sorte, accompagner les classiques, dont on nourrit notre jeunesse, de commentaires propres à les mettre en harmonie avec nos institutions modernes. « Un bon programme, le concours et des récompenses, et l’on eut, disait-il, tout obtenu ; rien ne résistait à une pareille voie. »

Il répétait, ce que je crois avoir déjà dit, que son intention avait été de faire écrire les derniers règnes de notre monarchie sur les pièces mêmes tirées des archives de nos relations extérieures. Il était encore une foule de manuscrits antiques et modernes de la Bibliothèque Impériale qu’il voulait faire imprimer, en les coordonnant en corps de doctrine, soit dans les sciences, soit dans la morale, la littérature, les arts, etc.

Il avait encore, assurait-il, beaucoup d’autres plans de la sorte. Et quelle époque se présenta jamais aussi favorable pour de pareilles idées et leur accomplissement ! Quand retrouvera-t-on, dans la même personne, le génie pour les concevoir, la puissance pour les exécuter ?

Pour obvier, sans blesser même la liberté de la presse, au déluge de mauvais ouvrages dont le public était inondé, il demandait quel inconvénient eût pu présenter un tribunal d’opinion, composé de membres de l’Institut, de membres de l’Université et de délégués du gouvernement, qui eussent considéré les ouvrages sous le triple rapport de la science, des mœurs et de la politique. Ils en eussent fait la critique, et eussent assigné le degré de leur mérite. « C’eût été, disait-il, le flambeau du public ; la garantie, la fortune des bons ouvrages ; la ruine, le découragement des mauvais ; l’aiguillon des talents, la palme des auteurs. »

Voici quelques détails relatifs à M. Méneval, cité plus haut par l’Empereur ; ces détails seront jugés précieux, parce qu’ils sont autant de traits propres à faire connaître les circonstances privées de Napoléon.

L’Empereur, encore Premier Consul, se plaignait d’être sans secrétaire ; il venait de se défaire de celui qu’il avait eu durant ses campagnes d’Italie et son expédition d’Égypte, son ancien camarade de collège, homme de beaucoup d’esprit et qu’il aimait fort, mais dont il venait