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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/276

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ses ministres, ce à quoi ils étaient faits. Ne voyant pas arriver de réponse, ils savaient à quoi s’en tenir. Il lisait lui-même toutes les lettres, répondant par un mot à la marge de certaines, et dictant la réponse à d’autres. Celles qui étaient d’une haute importance étaient toujours mises de côté, relues deux fois, et jamais répondues qu’après quelque intervalle.

Il avait pour coutume, en sortant du cabinet, de rappeler les objets essentiels, et de dire qu’ils devaient être prêts à heure fixe ; et ils l’étaient toujours. Si, à cette heure, l’Empereur ne venait point, M. Méneval le pourchassait dans le palais, souvent à différentes reprises, pour les lui rappeler. Parfois l’Empereur terminait, parfois encore il répondait : À demain, la nuit porte conseil. C’était sa phrase habituelle ; aussi disait-il avoir plus travaillé la nuit que le jour. Ce n’est pas que les affaires lui causassent des insomnies ; mais seulement parce qu’il dormait à heures interrompues, suivant son besoin, et que peu lui suffisait.

Il arrivait souvent à l’Empereur, dans le cours de ses campagnes, qu’on le réveillait subitement pour des circonstances instantanées : il se levait aussitôt ; on n’eut pas deviné à ses yeux qu’il venait de dormir : il donnait ses décisions ou dictait des réponses avec la même clarté, la même fraîcheur d’esprit que si c’eût été en tout autre moment. C’est ce qu’il appelait la présence d’esprit d’après minuit : elle était complète