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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/279

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Il doit exister aussi peut-être soixante ou quatre-vingts volumes in-fol. des délibérations du Conseil des ministres, recueillies par les secrétaires d’État duc de Bassano et comte Daru.

Enfin les procès-verbaux du Conseil d’État, rédigés et mis en ordre par M. Locré.

Voilà de vrais et grands titres de gloire pour Napoléon. C’est sur ces monuments immortels, et avec eux, qu’ont marché les gouvernements qui ont suivi, et c’est là que viendront inévitablement puiser désormais les administrations de tous les temps et de tous les pays, tant les bases posées par lui ont été sûres et solides, tant les jalons ont été bien placés, tant les racines ont été profondes, tant enfin tout cet ensemble porte le caractère du génie, de la rectitude et de la durée !


Paroles caractéristiques touchant ma femme – Dictée de l’Empereur pour une nouvelle partie de ses Mémoires.


Samedi 28.

Aujourd’hui l’Empereur a profité d’un peu de beau temps pour faire deux tours en calèche. Il avait besoin, disait-il, d’être secoué. Il lui restait un peu de fluxion ; sa joue gauche demeurait enflée. Il est rentré sur les trois heures. Quelque temps après, le travail lui manquant, il m’a fait appeler ; nous avons fait quelques tours de jardin. Ayant aperçu le docteur, il l’a fait approcher, et en a appris que la veille les commissaires russe et autrichien s’étaient présentés à la porte de Longwood, mais qu’ils en avaient été repoussés par la consigne imposée par le gouverneur.

Demeurés seuls, l’Empereur, après bien des objets, est venu à parler de ma femme, de ce qu’elle pouvait faire, de ce qu’elle serait devenue, etc.

« Il est hors de doute, disait-il ensuite, que votre situation à Sainte-Hélène ne la fasse rechercher beaucoup et n’inspire un vif intérêt. Tout ce qui se rattache à ma personne reste cher à bien du monde. D’ici je donne encore des couronnes !… Oui, mes chers amis, quand vous retournerez en Europe, vous recevrez des couronnes ! »

Et puis revenant à ma femme : « Son meilleur parti, disait-il avec une grâce et une bonté touchante, serait d’aller passer son veuvage auprès de Madame, ou de quelqu’un des miens. Ils auraient sans doute bien du plaisir à prendre soin d’elle, etc. »

Au retour, l’Empereur s’est mis au travail. La campagne d’Italie était à peu près finie. Il m’a pourvu d’un nouveau sujet.

Note, écrivez : C’est ainsi que s’exprimait soudainement l’Empereur quand il lui venait une idée. Voici ce qu’il dicta littéralement en ce moment ; il n’y a rien eu de changé, il ne l’a jamais relu.