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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/347

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s’est séparé de ses magasins à une distance immense, a négligé de s’appuyer d’armée de réserve ; qu’il a résisté aux remontrances de ses généraux qui voulaient l’empêcher d’aller en avant ; qu’il a livré ses derrières et s’est vu couper ses communications et arrêter ses approvisionnements, ses convois, et s’est trouvé sans ressources, entouré d’une population hostile ; qu’il ne s’était pas ménagé de retraite et n’avait pu en effectuer ; qu’il s’était endormi à Moscou, n’avait pas su prévoir les rigueurs de la saison ; qu’il avait quitté l’armée quand il avait vu tout désespéré, et avait laissé périr la presque totalité de ses soldats, etc.

J’ai trouvé curieux de reproduire ici le sommaire des notes éparses dictées par Napoléon lui-même, à la lecture d’un ouvrage où s’accumulaient tous ces reproches. Les lecteurs, pour le plus grand nombre, j’en suis sûr, y trouveront des choses neuves, sans doute, et bien éloignées des idées qu’ils avaient entretenues jusque-là ; le tout est tiré des Dictées de Napoléon, tome II, pages 57 et 97.

« Dans la campagne de Russie, les magasins de l’armée n’étaient pas, sur la Vistule, à cinquante jours de marche de Moscou : ceux de première ligne étaient à Smolensk, à dix jours de marche de Moscou ; ceux de seconde ligne, à Minsk et à Wilna, à huit jours de marche de Smolensk ; ceux de troisième, à Kowno, Grodno et Bialistok ; ceux de quatrième ligne, à Elbing, à Marienwerder, à Thorn, à Plock, à Modlin, à Varsovie ; ceux de cinquième ligne, à Dantzick, à Bamberg, à Posen ; ceux de sixième ligne, à Stettin, à Custrin, à Glogau.

« Sur quatre cent mille hommes qui passèrent le Niémen, deux cent quarante mille hommes restèrent en réserve entre ce fleuve et le Borysthènes, cent soixante mille passèrent Smolensk et marchèrent sur Moscou : sur ces cent soixante mille hommes, quarante mille restèrent échelonnés entre Smolensk et Mojaïsk. La retraite était donc toute naturelle sur la Pologne.

« Aucun général n’a représenté à Napoléon la nécessité de s’arrêter sur la Bérézina ; tous sentaient que, maître de Moscou, il terminerait la guerre.

« Jusqu’à Smolensk, il manœuvrait sur un pays aussi bien disposé que la France même ; la population, les autorités étaient pour lui : il pouvait y lever des hommes, des chevaux, des vivres ; et Smolensk est une place forte.

« Rien de plus différent que les deux expéditions de Charles XII et de Napoléon. Charles XII sacrifia sa ligne d’opération, et prêta durant quatre cents lieues le flanc à l’ennemi ; dans son expédition, tous les