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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/363

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je dois naturellement conclure, par analogie, qu’il en est de même sans doute de tout ce que je n’ai pas vu ce qui se prolonge de dix-huit mois au-delà. Aussi je n’hésite pas à prononcer que je le tiens pour tel dans mon âme et conscience.

Précisément au moment où j’écris, je reçois de sir Hudson Lowe des extraits de lettres qu’il me dit avoir reçues confidentiellement dans les temps du docteur O’Méara, lequel, me fait-il observer, s’exprimait très improprement à mon égard, et lui faisait des rapports secrets à mon sujet. Quelle a pu être en cela l’intention de sir Hudson Lowe vis-à-vis de moi ? Aux termes où nous en sommes, ce ne saurait être un intérêt bien tendre. Aurait-il espéré me prouver que M. O’Méara était son espion auprès de nous ? Aurait-il pensé m’indisposer assez pour altérer la nature et la force de mes témoignages en faveur de son adversaire ? Mais, au demeurant, ces lettres du docteur sont-elles bien entières ? ne sont-elles pas tronquées à la façon de Sainte-Hélène ? et encore, leur sens serait-il plein, réel ? en quoi devraient-elles me fâcher ? Quels droits, quels titres avais-je dans ce temps sur O’Méara ? Il est bien vrai que plus tard, à son retour en Europe, le voyant poursuivi, persécuté, puni pour l’humanité dont il avait usé envers Napoléon, je lui en ai exprimé la plus vive reconnaissance, et je lui ai écrit que si l’injustice venait à le forcer de quitter son pays, il devenait libre, à son gré, de venir prendre place dans ma famille, que je partagerais avec lui. Mais à Sainte-Hélène je le connaissais à peine ; je ne crois pas lui avoir adressé la parole dix fois durant tout mon séjour à Longwood. Je le considérais comme m’étant opposé d’opinion, d’intérêts : voilà quels étaient mes rapports avec O’Méara. Il était donc entièrement libre à mon égard, il demeurait maître d’écrire alors ce qu’il lui plaisait, sans que cela pût influer sur l’opinion qu’il m’a inspirée depuis. Que sir Hudson Lowe prétende insinuer aujourd’hui que le docteur était deux et trois fois espion dans le même temps, savoir : pour le gouvernement, pour Napoléon et pour lui, sir Hudson Lowe, cela détruirait-il la vérité, l’authenticité des faits exposés dans son livre ? Au contraire : et duquel des trois corrupteurs gagnerait-il le salaire en révélant ces faits au public ? Napoléon n’est plus, le docteur n’a rien à en attendre, et il s’est fait des deux autres, par sa publication, d’ardents persécuteurs qui lui ont ravi ses emplois et menacent son repos ; c’est que son véritable crime, à leurs yeux, est le zèle importun d’un ami de la bienséance et des lois, qui, révolté d’inconvenantes et ignobles vexations, en a signalé les vrais auteurs pour en disculper son pays : voilà la chose. Je n’ai donc