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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/41

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tité d’eau fluviale de notre Europe, et qu’on assignât la proportion de chaque vallée et de chaque versant. Il regrettait fort de n’avoir pas présenté cette série de questions scientifiques. C’était là son grand système, disait-il. Lui venait-il une idée utile, curieuse, intéressante : « À mes levers ou dans mes communications familières, je posais des questions analogues à mes membres de l’Institut, avec ordre de me les résoudre. La solution en était lancée dans le public ; elle y était analysée, combattue, adoptée ou repoussée ; et il n’est rien qu’on obtienne de la sorte ; c’est là la grande voie des progrès dans une grande nation douée de beaucoup d’esprit et de beaucoup de lumières. »

L’Empereur observait encore à ce sujet qu’on n’avait jamais été plus fort en géographie qu’aujourd’hui, et qu’on en devait quelque chose à ses expéditions. Il a parlé ensuite des canaux qu’il avait fait faire en France. Il citait surtout celui de Strasbourg à Lyon, qu’il espérait avoir assez avancé pour qu’on fût obligé de le finir. Il pensait que sur trente millions il devait y en avoir déjà vingt-quatre d’employés.

« Aujourd’hui on communiquait, par l’intérieur, de Bordeaux à Lyon et à Paris. J’avais construit un grand nombre de canaux ; j’en avais projeté bien davantage. » L’un de nous ayant dit qu’on en avait proposé à l’Empereur un très avantageux, mais qu’on l’avait trompé pour l’empêcher d’accepter les offres faites à ce sujet : « Sans doute que le plan n’aura été avantageux que sur le papier, disait l’Empereur, mais qu’en dernière analyse il m’aurait fallu donner de l’argent, ce qu’on m’arrachait difficilement. – Non, Sire, répondait-on, le refus n’a été que l’effet d’une intrigue. On a trompé Votre Majesté. – Cela n’est pas possible sur ce point. Vous parlez légèrement. – Mais j’en suis sûr ; j’ai connu le plan, les offres, les souscripteurs ; mes parents y étaient pour des sommes considérables. Il s’agissait d’unir la Meuse à la Marne. Le canal aurait eu moins de sept lieues. – Mais vous ne dites pas tout ; peut-être avec cela exigeait-on que je concédasse d’immenses forêts nationales dans les environs ? ce que je n’aurais pas voulu. – Non, Sire, c’était seulement une intrigue de vos Ponts-et-Chaussées. – Mais encore faudrait-il qu’ils eussent opposé quelques raisons, quelque apparence d’intérêt public. Que disent-ils ? – Sire, que les bénéfices auraient été trop grands. – Mais alors ils me l’eussent proposé eux-mêmes, disait l’Empereur, et je l’eusse exécuté. Je vous répète que vous ne sauriez avoir raison ; vous parlez ici à l’homme de la chose même, qui s’en occupait sans cesse. Les Ponts-et-Chaussées, de leur côté, n’étaient jamais plus heureux que de faire. Jamais un par-