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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/418

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La princesse Charlotte avait déjà fait preuve d’un caractère très décidé en refusant d’épouser le prince d’Orange, qu’elle repoussait surtout parce qu’elle se serait trouvée dans l’obligation, disait-elle, de vivre parfois hors de l’Angleterre ; sentiment national qui la rendit encore d’autant plus chère aux Anglais.

Elle ne s’est fixée sur le prince Léopold de Saxe-Cobourg, nous disent les Anglais qui se trouvent ici, que par le seul effet de son propre choix ; et elle a annoncé hautement, ajoutent-ils, qu’elle comptait sur d’heureux jours, parce qu’elle n’avait eu d’autre guide que le sentiment. Ce prince lui a beaucoup plu. « Je le crois sans peine, a observé l’Empereur ; si je m’en souviens bien c’est le plus beau jeune homme que j’aie vu aux Tuileries. » On a raconté que les Anglais d’ici avaient cité, il y avait peu de jours, ce qu’ils appelaient une preuve du caractère et de la dignité de leur jeune future souveraine. Un des ministres s’étant rendu chez elle, lors des arrangements du mariage, pour des détails domestiques à régler, lui fit entendre des propositions qu’elle regarda comme peu faites pour elle. « Milord, lui dit-elle avec fierté, je suis l’héritière de la Grande-Bretagne, je dois un jour en porter la couronne, je le sais, et mon âme s’est mise en rapport avec cette haute destinée ; ainsi ne croyez pas pouvoir me traiter autrement. N’allez pas penser que pour épouser le prince Léopold je puisse, je veuille jamais être mistriss Cobourg : ôtez-vous cela de la tête, etc. »

Cette jeune princesse est l’idole des Anglais, qui se complaisent à voir en elle l’espoir d’un meilleur avenir.

L’Empereur, revenant sur le prince Léopold, qui avait dû être son aide de camp, a dit : « Une foule d’autres princes allemands briguaient la même faveur. Lorsque j’eus créé la confédération du Rhin, les souverains qui en faisaient partie ne doutèrent pas que je ne fusse prêt à renouveler dans ma personne l’étiquette et les formes du saint-empire romain ; et tous parmi eux, jusqu’aux rois mêmes, se montraient empressés de former mon cortège et de devenir, l’un mon grand échanson, l’autre mon grand panetier, etc. Vers ce temps, les princes allemands avaient, à la lettre, envahi les Tuileries ; ils en remplissaient les salons, modestement confondus, perdus au milieu de vous autres. Il est vrai qu’il en était de même des Italiens, des Espagnols, des Portugais, et que la plus grande partie de l’Europe se trouvait rassemblée aux Tuileries !… Le fait est, a conclu l’Empereur, que sous mon règne Paris a été la reine des nations, et les Français le premier peuple de l’univers !… »