Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans dans le Sénat, je serai nommé immédiatement à sa place. Vous, Pichegru, vous serez examiné sur ce qu’on vous reproche d’avoir trahi la cause nationale ; ne vous le dissimulez pas, un jugement vous est nécessaire ; mais je réponds du résultat : dès lors vous serez second consul ; nous choisirons le troisième à notre gré, et nous marcherons tous de concert et sans obstacle. » Georges présent, que Moreau n’avait jamais connu, réclama vivement cette troisième place. « Cela ne se peut, lui dit Moreau ; vous ne vous doutez pas de l’esprit de la France, vous avez toujours été blanc, vous voyez que Pichegru aura à se laver d’avoir voulu l’être. – Je vous entends, dit Georges en colère, quel jeu est ceci, et pour qui me prenez-vous ? Vous travaillez donc pour vous autres seuls, et nullement pour le roi ? S’il devait en être ainsi, bleu pour bleu, j’aimerais mieux encore celui qui s’y trouve. » Et ils se séparèrent fort mécontents, Moreau priant Pichegru de ne plus lui amener ce brutal, ce taureau dépourvu de bon sens et de toute connaissance.

« Lors du jugement, disait Napoléon, la fermeté des complices, le point d’honneur dont ils ennoblirent leur cause, la dénégation absolue recommandée par l’avocat, sauvèrent Moreau. Interpellé si les conférences, les entrevues qu’on lui reprochait étaient vraies, il répondit non. Mais le vainqueur d’Hohenlinden n’était pas habitué au mensonge, une rougeur soudaine parcourut tous les traits de sa figure. Aucun des