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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/509

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dente sur la figure de sir Hudson Lowe ; et, comme mes paroles étaient écrites à mesure, je continuai de dicter, ajoutant que la réponse que je venais de faire n’était, au demeurant, que celle de mon éducation et de mes mœurs ; que toute autre eut pu entraîner les doutes du gouverneur, et qu’il ne convenait pas que je dusse exposer la vérité de mes paroles au plus léger soupçon ; que toutefois, après cet exposé préalable, je n’hésitais plus à déclarer à présent que je n’avais jamais eu de ma vie aucune communication avec lord Holland. Cette finale inattendue fut un coup de théâtre, une véritable scène de comédie ; il serait difficile de rendre la surprise du gouverneur, l’ébahissement des officiers, la plume arrêtée dans les mains du greffier. Sir Hudson Lowe n’a pas hésité à dire qu’il me croyait assurément, mais qu’il devait avouer qu’il n’y pouvait rien comprendre. Je lui confessai de mon côté que je ne pouvais m’empêcher de rire de l’embarras que je lui causais, mais que je lui avais pourtant tout dit. Le fait est que j’avais compté, lorsque mon domestique aurait reparu, le charger en outre pour lord Holland de plusieurs documents authentiques sur notre situation ; mais on ne m’en avait pas laissé le temps, on s’était trop pressé de venir m’enlever. Je n’avais l’honneur de connaître Sa Seigneurie que par la noblesse et l’élévation de sa conduite publique ; mais lui adresser la vérité, à lui législateur héréditaire de son pays, membre de la cour suprême de la Grande-Bretagne, ne me semblait rien que de très convenable dans nous deux, de bienséant et d’utile même pour l’honneur du caractère anglais.

Du reste, voici cette lettre au prince Lucien, dont il a été tant question. J’aurais voulu pouvoir l’épargner à mes lecteurs ; mais elle a trop de rapport avec Longwood, et joue un trop grand rôle dans mes malheurs, pour que je puisse m’empêcher de la reproduire ici telle qu’elle a été publiée dans le temps, lors de mon retour en Europe.

« Monseigneur, je viens de recevoir votre lettre de Rome, datée du 6 mars dernier. Je m’estime bien heureux que Votre Altesse ait daigné m’honorer de cette marque de son souvenir. Je m’efforcerai d’y répondre, en lui donnant de temps à autre, pour toute sa famille, un détail suivi de tout ce qui concerne l’Empereur, sa santé, ses occupations et les traitements qu’on lui fait éprouver. Je vous manderai surtout, Monseigneur, les choses telles qu’elles se seront passées et telles qu’elles se trouveront, m’en reposant sur Votre Altesse pour déguiser au besoin, au cœur toujours sensible d’une mère, ce qu’il pourrait y avoir de trop affligeant pour elle.