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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/537

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jamais à dire sur ce qui vous concerne autrement que ce que je penserai, ce que je croirai vrai.

« Enfin, dans votre arrêté en date du 20 octobre, vous prononcez que je serai séparé de Longwood et envoyé au cap de Bonne-Espérance. Qui ne croirait, à la forme et aux expressions, que vous portez cette décision en opposition de moi-même, tandis que vous prononcez là un jugement désormais étranger, et depuis nombre de jours, à la cause nouvelle dont il s’agit ? Vous séparez de Longwood celui qui, depuis vingt jours, s’est retiré entre vos propres mains de la sujétion volontaire à laquelle il s’était soumis ; qui, depuis dix-huit jours, vous a authentiquement sommé de l’éloigner de l’île. Qui se douterait de tout cela dans votre pièce ? Une lettre de vous l’accompagne, me laissant le choix de me soumettre à ce jugement ou de retourner à Longwood. Mais si je cédais à l’appât du bonheur que vous me présentez, je vous laisserais triomphant et tranquille, maître de mes papiers les plus secrets ; je serais de nouveau votre captif, soumis encore aux mêmes fouilles, aux mêmes saisies, aux mêmes enlèvements, quand cela vous plairait… Non, Monsieur, je n’ai point de choix à faire ; je n’ai qu’à vous répéter désormais toujours les mêmes choses : Remplissez les lois vis-à-vis de moi. Si je suis coupable, faites-moi juger ; si je ne le suis point, rendez-moi à la liberté. Si mes papiers sont étrangers à cette affaire, rendez-les-moi ; si vous les croyez susceptibles d’examen grave, envoyez-les à vos ministres, et faites-moi suivre avec eux.

« Rien n’était plus simple, et pourtant rien ne s’est plus compliqué. Vainement vous objecteriez vos instructions ; elles n’ont pu prévoir ces cas particuliers. Vos incertitudes mêmes me prouvent qu’elles ne sont ni précises ni claires. Vous avez d’abord voulu me garder dans l’île, au secret, séparé de Longwood ; vous ne croyiez pas devoir m’envoyer au Cap. Vous tordez ici la lettre de vos instructions pour en faire sortir un résultat forcé. Mais craignez d’être responsable aux ministres de les avoir mal saisies, et à moi, d’avoir violé la loi en ma personne. Craignez que la plupart de ces mesures ne se trouvent à la fin des actes vexatoires et arbitraires. J’ignore quels droits, quels recours vos lois peuvent me ménager ; mais heureusement je peux dormir sur mon ignorance ; je sais qu’elles veillent pour moi. Vous croirez-vous quitte quand je serai au Cap, séparé de mes papiers, que vous retenez près de vous ? Mais si je demeure captif dans ce nouvel endroit, les vents rapporteront ici mon dilemme et mes plaintes sur les tourments moraux que vous aurez accrus et les souffrances du corps