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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/562

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par rapport aux mots ou à l’esprit. Il croit seulement qu’il aurait dû être envoyé sous une forme qui prévînt toute objection. Le gouverneur examinera avec soin si la teneur de ses instructions lui permet d’adopter l’un ou l’autre des noms proposés. Il différera donc naturellement en servir, dans aucune communication publique ait obtenu la sanction de son gouvernement à cet effet. Le gouverneur sera toujours disposé à s’entendre avec le général Bertrand, quand il plaira à ce dernier. »

J’eus commission de montrer ces lignes à Napoléon. Le gouverneur ajouta qu’il n’était pas utile que je les lui laissasse. Il me demanda ensuite si je croyais que Napoléon consentirait à signer la lettre précédente, « Sans doute, lui dis-je, si vous le demandez. »

Je me suis présenté chez l’Empereur. Il m’a demandé s’il y avait des nouvelles. Je lui ai dit qu’on parlait beaucoup de l’expédition de lord Exmouth ; que nous en attendions chaque jour le résultat. Je lui demandai son avis sur cette expédition. Il me répondit qu’il croyait bien certainement qu’elle réussirait si la flotte prenait et détruisait la plus grande partie des vaisseaux barbaresques qui sont arrêtés devant Alger.

« En persistant dans son blocus rigoureux, le dey se soumettra, la populace se révoltera, l’assassinera et consentira à tout ce que vous demandez. Quant à des traités, ces barbares les violeront toujours. C’est une honte pour les nations civilisées de laisser subsister tranquillement et si près d’elles ces repaires de brigands. Les Napolitains seuls étaient de force à les détruire, puisqu’ils ont environ cinquante mille matelots tant sur le continent qu’en Sicile, et il leur eut été facile, avec ces forces, d’empêcher un seul vaisseau de quitter les côtes de Barbarie. » A quoi je répondis que les Napolitains étaient si poltrons sur mer, que les Algériens les regardaient avec mépris, les bravaient dédaigneusement. « Ils ne sont pas très-braves sur terre, me dit « Napoléon ; mais on remédierait à cette couardise en introduisant dans leurs régiments de bons officiers et une sage discipline. A la paix d’Amiens, je voulais m’entendre avec votre gouvernement pour détruire tous ces Algériens, du moins brûler leurs vaisseaux, démolir leurs forteresses, et les forcer à cultiver la terre et à renoncer à leurs brigandages ; mais vos ministres ont écarté mon projet. Je voulais les écraser, en finir avec eux, bien que cela m’importât assez peu personnellement, puisqu’ils respectaient mon pavillon, et qu’ils faisaient un commerce considérable avec Marseille. »

Je demandai à Napoléon s’il pensait que lord Exmouth dût attaquer