Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

su créer dans mes États un commerce intérieur qui porte la vie et l’argent des extrémités de l’empire au centre, et du centre aux extrémités, par l’impulsion donnée aux industries agricoles et manufacturières, par la rigoureuse prohibition des produits étrangers. Cet état de choses est tel, que je ne sais pas si le commerce français aurait beaucoup à gagner par la paix avec l’Angleterre.

« Le maintien, l’observance ou l’adoption du décret de Berlin est donc, j’ose le dire, plus dans les intérêts de la Suède et de l’Europe que dans les intérêts privés de la France.

« Telles sont les raisons que ma politique ostensible peut proposer à la politique ostensible de l’Angleterre. Les raisons secrètes de l’Angleterre, les voici : elle ne veut pas la paix ; elle s’est refusée à toutes les ouvertures que je lui ai fait faire ; la guerre agrandit son commerce et son territoire ; elle craint des restitutions ; elle ne veut pas consolider le nouveau système par un traité ; elle ne veut pas que la France soit puissante. Je veux la paix, je la veux entière, parce qu’elle seule peut assurer les nouveaux intérêts et les États créés par la conquête. Je pense que sur ce point Votre Altesse Royale ne doit pas différer de sentiments avec moi.

« J’ai beaucoup de vaisseaux, je n’ai point de marins ; je ne puis lutter avec l’Angleterre pour l’obliger de faire la paix ; il n’y a que le système continental qui puisse réussir. Je n’éprouve à cela aucun obstacle de la part de la Russie et de la Prusse ; leur commerce n’a qu’à gagner au régime prohibitif.

« Votre cabinet se compose d’hommes éclairés. Il y a de la dignité et du patriotisme dans la nation suédoise. L’influence de Votre Altesse Royale dans le gouvernement est généralement approuvée : elle trouvera peu d’obstacles à soustraire ses peuples à une soumission mercantile envers une nation étrangère. Ne vous laissez pas prendre à des appâts trop flatteurs que vous présenterait l’Angleterre. L’avenir vous prouvera que, quelles que soient les révolutions que le temps doit produire, les souverains de l’Europe donneront des lois prohibitives qui les laisseront maîtres chez eux.

« L’article III du traité du 24 février 1802 corrige les stipulations incomplètes du traité de Frédérisham. Il faut qu’il soit rigoureusement observé pour tout ce qui regarde les denrées coloniales. Vous me dites que vous ne pouvez-vous passer de ces denrées, et que, par défaut de leur introduction, les revenus de vos douanes diminuent. Je vous donnerai pour vingt millions de denrées coloniales que j’ai à Hambourg,