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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/600

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moines. Mon évêque avait coutume de lui dire que je trouvais naturel qu’on fût moine par le cœur et les habitudes, mais que je ne voulais pas qu’aucune société de ce genre fût rétablie. — Le pape cherchait à me faire confesser, ce que j’évitai toujours en répondant : Santo padre, je suis occupé à présent ; quand je serai vieux. J’avais beaucoup de plaisir à m’entretenir avec le pape ; c’était un bon vieillard, ma testardo (mais tenace).

« Il y a tant de religions différentes, ou de modifications dans la religion, qu’il est difficile de savoir laquelle choisir. Si une religion avait existé dès le commencement du monde, je la croirais la véritable. Mais dans l’état où sont les choses, je pense que chacun doit conserver la religion de ses pères. Qu’êtes-vous ? — Protestant, lui dis-je. — Votre père l’était-il aussi ? — Oui. — Eh bien, continuez de vivre dans cette communion.

« Je recevais les catholiques et les protestants à mon lever. Je payais les ministres de ces cultes sur le même pied.

« Je donnai aux protestants, à Paris, une belle église qui avait appartenu aux jésuites. Pour prévenir les querelles de religion, dans les lieux où se trouvaient des temples protestants et catholiques, je leur défendis de sonner les cloches pour appeler le peuple au service dans leurs églises respectives, à moins que les ministres de l’un et de l’autre ne fissent une demande particulière à cet égard, en établissant que c’était d’après le désir des membres de chaque communion. On donnait alors une permission pour un an ; et si, à l’expiration de cette année, la demande n’était pas renouvelée par les deux parties, cette permission expirait. J’empêchai ainsi les discussions qui avaient existé auparavant, parce que les prêtres catholiques ne pouvaient sonner leurs cloches à moins que les prêtres protestants n’eussent un pareil privilége.

« Il existe un lien entre l’animal et la Divinité. L’homme est simplement un animal plus parfait que le reste ; il raisonne mieux, mais savons-nous si les animaux n’ont pas un langage propre ? De notre part il y a orgueil, fatuité à dire non : ils n’en ont point, et la raison c’est que nous ne pouvons pas le démêler. Un cheval a de la mémoire, du jugement et de l’amour. Il distingue son maître entre les domestiques, bien que ceux-ci soient plus constamment avec lui. « J’avais un cheval qui me reconnaissait parmi tout le monde, et qui, lorsque j’étais sur son dos, manifestait, par ses sauts et sa marche hardie, qu’il portait un personnage supérieur à ceux dont il était or-