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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/612

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dama la più graziosa di Francia. C’était la déesse de la toilette ; toutes les modes tiraient d’elle leur origine ; tout ce qu’elle mettait devenait distingué : et puis elle était si bonne, si bienveillante ! »

Le même jour, nous vînmes à parler de la bataille d’Austerlitz. Napoléon m’apprit qu’avant la bataille, la coalition contre lui était signée du roi de Prusse. « Haugwitz vint me l’annoncer et me conseilla de faire la paix. Je lui répondis : « La bataille que nous allons livrer décidera de tout. Je crois la gagner, et, dans ce cas, je dicterai une paix convenable. » L’événement répondit à mon attente ; je remportai une victoire si décisive qu’elle me mit à même d’imposer les conditions que je voulus. » Je demandai à Napoléon si M. d’Haugwitz était un de ses agents. « Assurément non ; c’était un homme qui pensait judicieusement que la Prusse ne jouerait jamais le premier rôle (giocare il primo ruolo) dans les affaires du continent ; que ce n’était qu’une puissance du second ordre et qu’elle devait agir comme telle. Dans le cas où j’aurais été vaincu, j’espérais que la Prusse ne se joindrait pas franchement aux alliés, parce qu’il aurait été naturellement de son intérêt de conserver un équilibre en Europe, ce qui n’aurait pu exister si elle se fût réunie à ceux qui seraient devenus les plus forts par ma défaite. D’ailleurs, la jalousie et le soupçon se seraient élevés, et les alliés n’auraient point eu confiance au roi de Prusse, qui les avait déjà trahis. Je donnai le Hanovre aux Prussiens afin de les brouiller avec vous et d’exciter une guerre, qui vous eût fermé le continent. Le roi de Prusse fut assez simple pour croire qu’il pourrait conserver cette province et rester en paix avec vous. Il se mit en campagne comme un insensé, poussé par la reine, le prince Louis, et une foule d’autres jeunes gens, qui lui firent croire que la Prusse était assez forte, même sans le secours de la Russie. Il apprit bientôt le contraire à ses dépens. » Je demandai comment il eût agi, si, avant la bataille d’Austerlitz le roi de Prusse s’était réuni aux alliés. Il m’a dit : « Monsieur le docteur, cela aurait changé entièrement la face des choses. » Il loua beaucoup les caractères du roi de Saxe, du roi de Bavière et du roi de Wurtemberg. « Alexandre et le roi de Wurtemberg sont deux princes remplis de talents et d’activité ; mais le second a de la dureté dans le caractère. »

L’enlèvement des papiers a beaucoup affligé Napoléon. Il observait avec justesse que s’il y avait eu plan de complot dans la lettre de Las Cases, le gouverneur s’en serait aperçu en moins de dix minutes ; qu’il avait pu voir très-rapidement que le commentaire des campagnes d’Italie ne contenait aucune trahison, etc.