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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/633

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dant le poste. Le gouverneur m’avait parlé de plus de liberté ; ses promesses n’étaient pas tenues.

6. — Je tiens de Cipriani des détails intéressants sur M. Pozzo di Borgo ; son père était berger : il apportait tous les jours des œufs et du lait à la famille de Bonaparte. Comme le jeune Borgo était un enfant spirituel, Madame Mère s’y intéressa, et paya longtemps les mois d’école. Les fils de Bonaparte étant encore trop jeunes, la famille fit nommer ce jeune Corse député à l’assemblée législative. Pozzo di Borgo revint en Corse, nommé procureur général ; mais il s’y lia avec Pesaldi, et devint, comme lui, ennemi acharné de Napoléon.

7. — Napoléon a écrit lui-même, et fait écrire sous sa dictée jusqu’à trois heures du matin ; il s’est alors couché, s’est relevé à cinq heures, et a pris un bain chaud. Il n’a rien mangé jusqu’à sept heures du soir, et s’est mis au lit à huit.

8. — Je me suis entretenu avec Napoléon, de Desaix ; je l’ai prié de me dire s’il était vrai, qu’avant de mourir, il eût prononcé ces paroles : « Dites au Premier Consul que je meurs avec le regret de n’avoir point assez fait pour vivre dans la postérité. » — Oui, dit Napoléon. Il fit un vif éloge de Desaix.

Le brouillard était si épais qu’on ne pouvait exécuter les signaux.

10. — Napoléon a reçu sir Pultney Malcolm, et les capitaines de la marine royale, Meynel et Wauchope, qui sont venus à Longwood. L’Empereur a raconté à l’amiral quelques circonstances de sa vie.

Je suis allé à la ville, et j’ai prié Reade de permettre aux Français de Longwood d’acheter deux vaches.

L’épaisseur du brouillard a été telle que le signal de tout est bien {All’s well !) ne pouvait être vu ; on en a fait instruire le gouverneur et l’amiral par des ordonnances.

11. — Le mauvais temps a continué.

J’ai demandé quelques renseignements à Napoléon. Ces renseignements le concernent. « A votre départ pour l’Égypte, étiez-vous aussi mince qu’on le disait ? —Oui, très-fluet, mais d’une constitution nerveuse et solide, qui avait supporté des épreuves qui aurait abattu des hommes vigoureux et trempés : à trente-six ans j’ai pris de l’embonpoint. J’ai travaillé souvent quinze heures sur vingt-quatre, sans prendre ni nourriture ni repos. Dans quelques circonstances même, j’ai travaillé sans relâche pendant trois jours et trois nuits. »

14 — J’ai demandé au major de brigade Harrison, dont le poste est à Hut’s-Gate, s’il avait précédemment eu quelque changement dans les



Ayant parlé ensuite à