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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/674

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se sont enrichis par les affaires de commerce et l’industrie. C’est un « contre-sens ; c’est l’opposé du système qui a porté si haut la puissance anglaise ! »

23. — Le gouverneur m’a reproché vivement d’avoir communiqué différents journaux politiques qui venaient d’arriver à Sainte-Hélène. Il regrettait surtout que le fait de la dissolution de la chambre législative de France eût été porté à la connaissance de Napoléon.

Les questions inquisitoriales les plus minutieuses, les plus variées, les plus tracassières me furent faites à ce sujet.

24. —L’Empereur fait remarquer les amusantes contradictions des pamphlets. « Dans les uns, on écrit que j’ai poussé la corruption des mœurs jusqu’à entretenir un commerce secret avec mes sœurs ; et dans d’autres, on dit nettement que je suis impuissant. Cette dernière version a eu plus de crédit que l’autre ; elle était parvenue en Russie quand il y fut question d’un mariage entre une sœur d’Alexandre et moi, l’impératricc mère dit à son fils qu’elle ne pouvait donner sa fille à un homme impuissant ; que si je l’épousais, on serait forcé de recommencer ce qui avait été fait à l’égard de Gustave, acte qui blesserait tous ses principes ; vous savez l’histoire de Gustave ? — Non, Sire. — Eh bien, Gustave était impuissant ; n’ayant pas par conséquent d’héritier, on fit coucher un de ses chambellans avec la reine, et c’est à cette circonstance que doit le jour le sot qui a résigné la couronne, il y a quelques années.

« Alexandre répondit : « Ma mère, si vous étiez plus jeune, je vous souhaiterais Napoléon pour époux, et je vous assure que vous auriez un nouvel héritier. » Je tiens cette anecdote du prince Kourakin. »

Le souvenir de madame de Staël a donné lieu à quelques appréciations. « C’était une femme de beaucoup de talent, mais elle avait tant d’ambition, et était si intrigante, si remuante, que j’ai été obligé de l’éloigner. A Genève, elle forma une liaison avec mon frère Joseph, qu’elle séduisit par l’éclat de sa conversation. Lorsque je revins de l’île d’Elbe, elle voulut me présenter son fils, elle me demanda le payement de deux millions que M. Necker, son père, avait prêtés à Louis XVI. Comme je ne pouvais rien lui accorder sans être injuste, je refusai de recevoir son fils. Joseph prit sur lui de me le présenter ; j’écoutai sa demande. Ma réponse fut qu’il n’était pas en mon pouvoir d’accueillir sa réclamation ; que je la regardais comme contraire aux lois ; que cette exception serait une injustice pour d’autres. Madame de Staël écrivit encore une longue lettre à Fouché : la conclusion était