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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/715

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de grandes places lord Bathurst, l’archevêque de Cantorbéry ? La constitution, vos vœux accomplis, qui eût résisté à cela ? qui eût voulu jouer et perdre l’immense fortune de vos îles ?

« Pitt jugeait les choses comme moi. Il disait sans cesse aux cabinets que je pouvais descendre en Angleterre, que Londres conquise, j’étais le maître du continent. Avec celle crainte, il réarmait leurs mains : je les battais de nouveau et je m’élevais encore. Je tiens ce que je dis là du roi de Prusse. »

J’ai présenté dans cette entretien quelques réflexions sur la nature du gouvernement qu’il avait établi en France. « Cette nation avait besoin d’un gouvernement fort. Tant que je suis resté à la tête des affaires, la France a été dans l’état où était Rome quand il fallait un dictateur pour sauver la république. Les nations de l’Europe, séduites par votre or et vos haines, ont renouvelé sans cesse les coalitions contre mon pouvoir. Il était donc urgent que le chef de l’État toujours menacé, attaqué, recueillît la force et toutes les ressources du pays pour résister ou vaincre. Je n’ai jamais fait de conquêtes qu’en me défendant. L’Europe n’a jamais cessé de combattre la France à cause de ses principes. J’étais forcé d’abattre sous peine d’être abattu. Je me suis trouvé, durant plusieurs années, placé entre les partis qui tourmentaient ma patrie, comme un cavalier monté sur un cheval fougueux qui cherche toujours à se cabrer et à se jeter d’un côté ou de l’autre, et que pour faire marcher droit, il est obligé de tenir fermement en bride. Il faut absolument qu’un gouvernement qui cède à des révolutions, qui est assailli sans cesse par les ennemis du dehors et agité intérieurement par des intrigues, soit un peu dur. A la paix, j’aurais déposé cette dictature, mon règne constitutionnel aurait commencé. Malgré des restrictions, par le résultat, mon système était encore le plus libéral de l’Europe.

« J’ai constamment servi la diffusion de l’instruction parmi les classes pauvres ; plus haut, j’en élargissais le cercle. Des établissements publics excellents offraient gratuitement l’instruction au peuple : les frais de l’instruction classique furent abaissés ; alors le cultivateur, l’ouvrier purent faire bien élever leurs enfants. Les musées furent ouverts à tout le monde. Le peuple français serait devenu le plus instruit, le plus cultivé, le plus moral de l’Europe. »

J’ai fait part à Napoléon des traitements indignes dont le gouverneur me rendait victime à Plantation-House. « Cet officier général est le dernier des bandits. Où voit-on ce qu’il fait ? Un officier supérieur se