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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/80

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apprendront la connaissance du terrain, la pratique du coup d’œil, l’emploi des forces, l’opportunité des détachements, tout le secret des grandes batailles, qui consiste à savoir s’étendre et se concentrer à propos, et diriger ses masses selon le terrain et les dispositions de l’ennemi. Mais ces manœuvres doivent servir de leçons, et non pas d’exemple ; il faut les étudier et non les copier. Malheur à qui s’aviserait d’en exécuter de pareilles, même dans des conjonctures analogues, car il y perdrait certainement son honneur et son armée. Pour oser les tenter et pour en venir à bout, il fallait la toute-puissance du génie et du commandement dans le chef, jointe au plus absolu dévouement de la part de toute l’armée.

« Ces manœuvres présentent une leçon précieuse sur une des parties les plus difficiles de la guerre. On y apprendra comment on peut arrêter l’exécution d’une opération commencée, et détruire ces avantages si vantés de l’initiative. Ici, en effet, l’archiduc était en pleine opération quand Napoléon est arrivé. Si ces deux généraux avaient été d’une égale force secondaire, le chef français se serait hâté de gagner, par Donawert et Ratisbonne, la rive gauche du Danube ; il aurait gardé ces deux têtes en se réunissant entre Neustadt et Neubourg. Le chef autrichien aurait longuement manœuvré sans passer le Danube. Des semaines, des mois se seraient écoulés sans qu’il y eût rien de fait ; on eût vu une campagne à la Daun ou à la Moreau ; Si les deux généraux avaient été également supérieurs, le chef autrichien aurait continué sa pointe malgré celle des Français, se serait précipité sur le corps de Davoust, et l’aurait culbuté sur Ratisbonne ; là, le livrant au corps de la rive gauche ou au canon de Stadtamhof, si la ville tenait encore, il serait venu avec sa masse tomber successivement sur le centre et la gauche de l’armée française, dont il aurait eu probablement bon marché. On peut supposer que Napoléon aurait manœuvré avec moins d’audace s’il eût eu affaire à un ennemi de cette force, car il a dit dès le début de sa carrière : La guerre est une affaire de tact. La première chose est de savoir contre qui et avec qui on guerroie. L’archiduc le savait bien.

« Masséna, toujours grand à la guerre, Davoust, se montrant tous les jours plus digne des plus grands commandements, donnèrent à Napoléon des preuves de zèle et de dévouement, qualités qui commençaient à devenir assez rares pour pouvoir être louées ; mais Lannes fut l’Achille de l’armée, glaive exterminateur dans les cinq journées, où, avec les mêmes troupes, il combattit à de si grandes distances : à Arnhofen, à Attuhausen, à Rottembourg, à Landshut, à Eckmülh, à Ratisbonne.