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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/838

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remettrez à mon fils…… Les vomissements qui se succèdent presque sans interruption me font penser que l’estomac est celui de mes organes qui est le plus malade, et je ne suis pas éloigné de croire qu’ilest atteint de la lésion qui conduisit mon père au tombeau, je veux dire d’un squirre au pylore Qu’en pensez-vous ? » J’hésitai à répondre,

il continua : « Je m’en suis douté dès que j’ai vu les vomissements devenir fréquents et opiniâtres. Il est pourtant bien digne de remarque, que j’ai toujours eu un estomac de fer, que je n’ai souffert de cet organe que dans ces derniers temps, et que tandis que mon père aimait beaucoup les substances fortes et les liqueurs spiritueuses, je n’ai jamais pu en faire usage. Quoi qu’il en soit, je vous prie, je vous charge de ne rien négliger dans un tel examen, afin qu’en voyant mon fils vous puissiez lui communiquer vos observations et lui indiquer les remèdes les plus convenables…… Quand je ne serai plus, vous vous rendrez à Rome ; vous irez trouver ma mère, ma famille ; vous leur rapporterez tout ce que vous avez observé relativement à ma situation, à ma maladie et à ma mort sur ce triste et malheureux rocher. Vous leur direz que le grand Napoléon est expiré dans l’état le plus déplorable, manquant de tout, abandonné à lui-même et à sa gloire ; vous leur direz qu’en expirant il lègue à toutes les familles régnantes l’horreur et l’opprobre de ses derniers moments ! »

Il est dix heures du matin. La fièvre cesse tout à coup ; le malade tombe dans une adynamie extrême ; il parle beaucoup encore, mais ses paroles sont coupées, incohérentes, et ne présentent, pour ainsi dire, plus de suite.

Le malade est fort agité ; il essaye à diverses reprises d’achever le huitième codicille de son testament ; mais il ne peut écrire, ni même se tenir assis.

29. — L’Empereur passe une très-mauvaise nuit. La fièvre augmente, le délire survient. Napoléon parle d’estomac, de squirre au pylore ; il somme, il interpelle Baxter de paraître, de venir juger de la vérité de ses bulletins. Puis, faisant tout à coup intervenir O’Méara, il établit entre eux un dialogue accablant pour la politique anglaise. La fièvre diminue, l’ouïe devient nette ; l’Empereur se calme, et il nous entretient encore du squirre de son père : il raconte qu’après l’ouverture du cadavre, les médecins de Montpellier pronostiquèrent que la maladie serait héréditaire, et passerait à tous les membres de la famille.

Le malade s’endort et repose tranquillement jusqu’à onze heures. A midi il prend une cuillerée de soupe au vermicelle, un œuf frais et un