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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/865

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voir ! je n’y pensai plus ; à la princesse Pauline, qui, quoique souffrante, ne m’en admit pas moins, voulut tout savoir, tout connaître, montra la plus vive sensibilité au récit des outrages et des angoisses qu’avait endurés Napoléon. L’émotion de Madame Mère fut encore plus grande ; je fus obligé d’user de réserve, d’employer des ménagements, de ne lui dire en un mot qu’une partie des choses dont j’avais été témoin. A une seconde visite, sa douleur était plus résignée, plus calme ; j’entrai dans quelques détails qui furent souvent interrompus par des sanglote. Je m’arrêtais, mais cette malheureuse mère séchait ses larmes et recommençait ses questions. Le courage et la douleur étaient aux prises, jamais déchirement aussi cruel. Je la revis une troisième fois ; elle me prodigua des témoignages de bienveillance et de satisfaction, et m’offrit un diamant qui ne me quittera jamais : il me vient de la mère de l’Empereur.

J’arrivai à Florence. Canino était à quelque distance, j’y descendis ; je fus accueilli, accablé d’égards, de questions. La mort de Napoléon y était vivement sentie.

Je gagnai Parme, où je fus encore une fois présenté au comte Neipperg. Son Excellence me renouvela l’assurance de la satisfaction de l’impératrice, et me remit, pour l’ambassade d’Autriche en France, une lettre où cette princesse exprimait avec bonté ses intentions bienveillantes pour le médecin de son époux, dont elle voulait remplir les dernières volontés. Je rendis moi-même la dépêche au baron Vincent, qui eut la complaisance de m’en faire connaître le contenu.

Je ne trouvai que discussions lorsque j’arrivai à Paris. Le banquier, au sujet du testament de l’Empereur, avait fait plaider l’incapacité de Napoléon. Il avait fallu réduire, atténuer les legs, nommer des arbitres qui modérassent les prétentions de l’un, soutinssent les droits de l’autre, en un mot, conciliassent tous les intérêts. Le choix était tombé sur les ducs de Bassano, de Vicence et le comte Daru. C’étaient des amis, des ministres de Napoléon ; chacun leur adressait ses réclamations, j’y joignis les miennes

Après la sentence de ces messieurs, ce n’était que discussion, mésintelligence ; toutes les passions avaient pris l’essor. Mais tout à coup le général Montholon renonça au bénéfice de la décision par la lettre qui suit :

Paris, ce 12 juin 1823.

« Après avoir pris connaissance du jugement arbitral rendu le 16 mai dernier par MM. le duc de Bassano, le duc de Vicence et le