Aller au contenu

Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/898

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraître encore une fois pour ne plus sortir de sa tombe qu’à la fin des siècles. Une mousse légère couvrait le corps : on eût pu croire qu’on l’apercevait à travers un nuage diaphane. C’était bien sa tête fière et grande ; l’oreiller l’exhaussait un peu. C’était son large front, ses yeux dont les paupières dessinaient les orbites ; elles étaient garnies encore de quelques cils ; les joues étaient gonflées ; son nez seul avait souffert, mais dans la partie inférieure ; sa bouche entrouverte montrait trois dents d’une éclatante blancheur ; l’empreinte de la barbe était bien distincte sur le menton ; les deux mains même semblaient appartenir à un être vivant, tant elles avaient de ton et de coloris ; la main gauche était plus élevée que la droite ; le grand-maréchal en dit la raison : c’est qu’au moment où on allait clouer le cercueil, il avait voulu baiser une dernière fois cette noble main, et il n’avait pu la replacer dans la première position. Les ongles avaient poussé après la mort : ils étaient longs et blancs ; une botte décousue laissait passer les doigts des pieds d’un blanc mat ; son habit vert, à forme échancrée sur le devant et à parements rouges, était facile à reconnaître ; les couleurs étaient encore visibles ; les grosses épaulettes d’or étaient noircies, ainsi que quel-