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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/90

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fleuve où il y avait fort peu d’eau ; le deuxième, à droite, à deux ou trois cents toises en face du saillant du Danube. Plus à droite encore et à égale distance du fleuve se trouve le bourg d’Enzersdorf. Entre Asparn et Essling il y a un millier de toises, et à peu près autant entre Essling et Enzersdorf. Les deux premiers villages, bâtis en maçonnerie, entourés de petites levées de terres, présentaient des espèces de forts très aisés à défendre, deux excellents appuis pour notre ligne, couverte aussi par un bas-fond ou fossé : cette ligne pouvait être tournée, il est vrai, par ses deux flancs, au-dessous d’Essling du côté d’Enzersdorf et sur les derrières d’Asparn, où le petit bras du Danube était facilement guéable.

En avant des villages s’étendait une plaine immense, parfaitement unie, sans ruisseau ni le moindre obstacle. On n’y apercevait que quelques villages au milieu des moissons verdoyantes : c’était le terrain le plus favorable pour deux armées égales qui avaient à disputer de bravoure et d’habileté. Ce l’était aussi pour une armée inférieure qui aurait à lutter contre des forces supérieures, à l’aide des villages indiqués.

« Napoléon, plein de son projet de marcher à l’ennemi, n’attendait que d’être rejoint par une partie de l’armée ; il ne pensa pas devoir être attaqué lui-même ; les rapports de la cavalerie légère le maintinrent dans cette sécurité ; aussi ne s’occupa-t-il nullement d’établir le quatrième corps ni de profiter des avantages de la ligne d’Asparn à Essling. Il faut le dire, parce qu’il n’y a rien d’indifférent à la guerre ni dans ce qui décide de la vie des hommes et du sort des empires, si Napoléon ou Masséna avaient fait occuper convenablement Asparn, il est probable que ce village n’eût pas été pris par l’ennemi, ou si nous avions préparé à l’avance ce qui fut exécuté par le corps d’Hiller, en s’en emparant, jamais les Autrichiens ne s’y seraient maintenus. Le mur du cimetière d’Asparn fut abattu par eux de leur côté, et ce cimetière leur devint par là une citadelle qu’il nous fallait escalader sous le feu le plus terrible pour y parvenir, et quand nous nous en étions emparés, il n’était plus pour nous qu’un coupe-gorge dans lequel nous demeurions entièrement à découvert. »

Ici se trouve décrite la première journée d’Essling (le 21 mai), où Massena résiste avec son seul corps, pendant tout le jour, à toutes les forces autrichiennes, et conserve Asparn par cette opiniâtreté héroïque qui le caractérisait si éminemment. Les ponts, déjà dérangés dès ce jour-là, interrompent fréquemment le passage des troupes, déjouent les projets de Napoléon, sauvent l’ennemi et amènent la terrible journée du lendemain, ainsi décrite par l’auteur :