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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/906

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Le cercueil de l’Empereur fut alors retiré de la chapelle ardente, et descendu à bord de la Normandie. Au même moment tous les forts et le stationnaire saluèrent d’une salve de mille coups de canon les glorieux restes. Le cercueil fut immédiatement replacé sous un catafalque élevé au milieu du gaillard d’arrière. Ce catafalque, qui se composait d’un dôme plat soutenu par douze colonnes, était tapissé de velours à frange d’argent, entouré de lampes funèbres ; à la tête, une croix dorée ; aux pieds, une lampe dorée ; à l’arrière, un autel tendu de noir, une aigle d’argent à chacun de ses angles.

Lorsqu’au milieu d’un silence plein de respect et d’inquiétudes, le cercueil eut changé de navire, on partit pour la grande rade. Le tambour battit une marche funèbre ; la musique militaire éclatait en lamentations et en sanglots, les troupes présentaient les armes ; le canon retentit, les drapeaux s’inclinèrent ; la Normandie, suivie de deux autres bâtiments à vapeur, défilait lentement, couverte du pavillon impérial. Son commandement était remis à M. de Mortemart, capitaine de corvette. La foule était sur les quais, sur la plage, sur la digue, immobile, silencieuse, éperdue !

L’amiral Martineng, le préfet du département, le maire, avaient improvisé une digne réception ; Cherbourg, qui devait tout à l’Empereur, avait voulu donner un éclatant souvenir à sa mémoire. Une couronne d’or, votée par le conseil municipal, fut déposée sur le cercueil.

M. le prince de Joinville, la mission de Sainte-Hélène et les officiers de la Belle-Poule étaient à bord de la Normandie, ainsi que la musique et cent marins de la frégate. Deux cents autres montèrent sur le Véloce et cent sur le Courrier. La fumée tourbillonna, la mer écuma sous les roues, des points lumineux parurent, des tonnerres retentirent. La ville, le port, la rade, la digue, les forts, croisèrent leurs feux. Mille coups de canon annoncèrent que l’Empereur rentrait dans sa ville capitale à tout jamais.

La flottille s’avança rapidement dans la Manche, sans perdre de vue les côtes de France, où toutes les populations étaient accourues. Le Courrier et le Véloce étaient commandés, l’un par M. Gaubin, l’autre par M. Martineng, le neveu de l’amiral. La mer était bonne, la nuit calme et sereine. A dix heures du soir, on était en vue des feux du Havre. Le lendemain, et à six heures du matin, la Normandie filait lentement le long des jetées. Le soleil rougissait de ses premiers feux un ciel magnifique, et, malgré l’heure matinale, autorités, légions de la garde nationale, régiments de ligne, clergé en habit de chœur, peuple en