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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/943

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ties sous-jacentes, et se présentaient dures sous la pression des doigts ; quelques cils se voyaient encore à leur bord libre. Les os propres du nez et les téguments qui les couvrent étaient bien conservés, le tube et les ailes seuls avaient souffert. Les joues étaient bouffies ; les téguments de cette partie de la face se faisaient remarquer par leur toucher doux, souple, et leur couleur blanche ; ceux du menton étaient légèrement bleuâtres : ils empruntaient cette teinte à la barbe, qui semblait avoir poussé après la mort. Quant au menton lui-même, il n’offrait point d’altération, et conservait encore ce type propre à la figure de Napoléon. Les lèvres amincies étaient écartées ; trois dents incisives extrêmement blanches se voyaient sous la lèvre supérieure, qui était un peu relevée à gauche. Les mains ne laissaient rien à désirer ; nulle part la plus légère altération. Si les articulations avaient perdu leurs mouvements, la peau semblait avoir conservé cette couleur particulière qui n’appartient qu’à ce qui a vie. Les doigts portaient des ongles longs, adhérents et très-blancs. Les jambes étaient renfermées dans les bottes, mais, par suite de la rupture des fils, les quatre derniers orteils dépassaient de chaque côté. La peau de ces orteils était d’un blanc mat et garnie d’ongles. La région antérieure du thorax était fortement déprimée dans la partie moyenne, les parois du ventre dures et affaissées. Les membres paraissaient avoir conservé leurs formes sous les vêtements qui les couvraient ; j’ai pressé le bras gauche, il était dur et avait diminué de volume. Quant aux vêtements, ils se présentaient avec leurs couleurs : ainsi on reconnaissait parfaitement l’uniforme des chasseurs à cheval de la vieille garde au vert foncé de l’habit, au rouge vif des parements ; le grand cordon de la Légion d’honneur se dessinant sur le gilet, et la culotte blanche cachée en partie par le petit chapeau qui reposait sur les cuisses. Les épaulettes, la plaque et les deux décorations attachées sur la poitrine, n’avaient pas leur brillant : elles étaient noircies ; la couronne d’or de la croix d’officier de la Légion d’honneur seule avait conservé son éclat. Des vases d’argent apparaissaient entre les jambes ; un d’eux, surmonté d’un aigle, s’élevait entre les genoux : je le trouvai intact et fermé. Comme il existait des adhérences assez fortes entre ces vases et les parties voisines qui les couvraient un peu, M. le commissaire du roi n’a pas cru devoir les déplacer pour les examiner de plus près.

« Tels sont les seuls détails que m’ait permis d’enregistrer, sur les restes mortels de l’empereur Napoléon, un examen qui n’a duré que deux minutes. Ils sont incomplets, sans doute, mais ils suffisent pour