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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/99

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Napoléon pleurait à chaudes larmes, à genoux devant le héros mourant. C’eût été, en toute circonstance, un grand spectacle ; il l’était bien davantage le soir d’une bataille si douteuse qui nous coûtait tant de braves.

« Nos troupes avaient comme oublié la faim et l’extrême fatigue dans ces deux longues journées, où la chaleur fut excessive, où elles soutinrent quarante heures de combat. Belle époque de gloire !!! Dans une situation aussi critique, notre ardeur et notre confiance ne se refroidirent pas un instant ! L’âme du chef était passée dans celle de tous les soldats… Pendant ces journées mémorables, huit divisions françaises, qui ne formaient pas la moitié de notre armée, repoussèrent constamment les attaques de toute l’armée autrichienne, qui ne put conquérir quelques toises de terrain, et fut même souvent sur le point d’être culbutée.

« Dès le commencement de la nuit, on fit filer sur le petit pont les nombreux blessés entassés sur la rive gauche. Tous ceux qui donnaient signe de vie furent emportés dans l’île de Lobau. On fit ensuite passer l’artillerie, les caissons ; on enleva même tous leurs débris. Les pièces prises à l’ennemi avaient été emmenées, rien ne fut laissé sur le champ de bataille, pas même les fusils et les cuirasses de nos morts.

« L’ennemi fit la faute inconcevable de ne pas poursuivre immédiatement ses avantages, et de nous laisser surtout cette île de Lobau, qui, saillante au milieu de son terrain, fut notre sûreté dans le revers, et nous devint bientôt le moyen du triomphe. »