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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/118

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L’ÉCRIN DU RUBIS

instants. Nous en avons le régal dans la rue, dans le monde et surtout dans l’intimité quand le ciel nous favorise d’une maîtresse qui est à elle-même sa propre volupté, qui sait s’extérioriser de son moi, et jouir de sa beauté comme d’un spectacle dont elle ne serait que le témoin ; en un mot, une de ces femmes qui ont cultivé en elles la sensualité d’imagination et placent leur plaisir dans la stylisation de leur corps, dans la mise en scène et le décor de leur volupté, dans une symbolique des gestes, des attitudes et des apprêts de leurs charmes, pour tout dire, dans les jouissances des évocations de la rêverie sensuelle sur leur propre personne.

Car la jambe c’est tout le tempérament de la Femme. C’est en elle que s’inscrit la noblesse de son sang, que se marque sa race, que se décèle son caractère, que se trahit sa sensualité. Restif prétendait deviner le visage d’une femme à sa tournure et à son pied. Un véritable amateur de jambes sait discerner les qualités morales propres à chacune et reconnaître par elles les femmes qu’il a vues, comme un gourmet sait dire le cru du vin qu’il boit. Le mot de Clésinger à George Sand : « Je ferai votre cul en ronde bosse, et tout Paris le reconnaîtra, » n’est pas moins vrai pour la jambe.

On ne peut dire que le pouvoir extraordinairement érotique qui est en elle tienne à ce que les mœurs l’ont si longtemps tenue cachée aux regards. Si sa magie n’eût eu sa raison que dans le secret qu’en faisait la robe lon-