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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/205

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L’ÉCRIN DU RUBIS

succès du déshabillé au théâtre nous eut valu, à contresens, les premières audaces de l’exhibition du Nu, en vérité, y songez-vous ? l’idole tuant la divinité de ses propres mains et l’adorateur foudroyé de ne plus voir le Palais enchanté, les jardins d’émeraude, de saphir, d’or et de nacre, se retrouvant au milieu du champ vulgairement labouré, et tenant entre ses doigts non plus la matière mystique, idéale, surnaturelle, mais la chair, la simple chair avec ses tares, ses imperfections, et toutes les misères de la Nature ? »

Quelle jambe nue, si parfaite soit-elle, a pour les yeux et pour la main le modelé savoureux, les inflexions accusées, le délié des attaches, le chatoiement et le toucher émotifs de la tiède coulée de soie qui l’habille ? Quel pied, fût-ce celui d’une Andalouse ou de Cendrillon, a la grâce mutine de la petite mule des Hasards de l’escarpolette, pointant son museau de soie ou de maroquin sous la cascade des jupons, l’exquise féminité de la bottine de dentelle qui fut en vogue sous le Second Empire, ou la provocante cambrure d’un petit soulier piaffant sur un haut talon d’émeraude, comme en eut fantaisie Mme du Barry, de porcelaine peinte ou d’or du temps de la Régence ? Quelle peau, fût-elle lisse et blanche comme le Paros, qui ne gagnât à se laisser deviner, palper et humer sous les contours flottants ou étroitement épousés d’une batiste ou d’une soie trempée de White-rose ou de jasmin d’Espagne ? Quelles hanches impeccables,