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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/24

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L’ÉCRIN DU RUBIS

la volupté s’égare au cours de ses délices jusqu’au délire où elle s’anéantit ; il peut se faire aussi que sous l’action trop vive de la continuité des images et sous l’effet prolongé des privautés de nos sens avec elles, l’extase nous saisisse ; et peut-être touchons-nous à l’extrême corruption quand une extériorisation puissante de nos sensations, équivalente à un dédoublement de notre personne, nous abîme dans l’illusion de n’être que le témoin de notre plaisir et de goûter en une autre le troublant mystère de notre être.

Cependant, ce doit être le propre de la délectation morose de ne pas rechercher pour fin une ivresse qui n’égale pas le charme qu’elle rompt. L’appétition charnelle est son dissolvant. Son vrai caractère est de demeurer un état permanent de l’extase différée. Elle comporte une maîtrise de notre concupiscence jusqu’à lui ravir le plaisir après lui en avoir permis toutes les espérances.

Car jouissance et volupté ne sont point termes synonymes : la volupté étant un état d’âme durable, qui résulte d’une création continue de l’imagination ; la jouissance, la sensation éphémère où s’évanouit le mirage de cette création.

Et même, chère Line, quand il m’arrive de céder à des sollicitations plus pressantes que le regret anticipé que j’en ai, c’est encore en m’isolant si fortement de moi-même et en ordonnant autour de moi un tel concours d’images, que mon plaisir ne sort point de l’essence d’une