Aller au contenu

Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les légumes et fruits occupent environ 800 revendeuses au marché des Innocents. En 1841 ils ont produit 15,190,000 francs.

2me partie.

La ville de Paris comptait au moyen-âge un grand nombre de monuments patibulaires. L’abbé de Saint-Germain-des-Prés, l’abbé de Sainte-Geneviève, le prieur du Temple, avaient chacun leur pilori. Aux halles se trouvait celui du roi, c’était le plus célèbre ; ce pilori était situé sur la place où l’on voit aujourd’hui le marché à la marée. Il se composait d’une tour octogone, surmontée d’une construction en bois très-mobile et tournant sur un pivot ; cette machine était percée d’ouvertures circulaires, assez larges pour que le condamné y passât la tête et les mains ; il restait dans cette position pendant un temps plus ou moins long, selon la gravité du délit et, par intervalles on tournait le pivot afin que le peuple pût jouir de la vue du patient. Sous le règne de Louis XI, le 4 août 1477, Jacques d’Armagnac eut la tête tranchée aux halles. « Cet infortuné seigneur (dit Sauval) fut conduit de la Bastille aux halles, monté sur un cheval caparaçonné de noir. Étant arrivé, il fut mené aux chambres de la halle aux poissons, lesquelles on avait exprès tendues en noir ; on les avait aussi arrosées de vinaigre et parfumées avec deux sommes de cheval de bourrée de genièvre, pour ôter l’odeur de la marée, que les dites chambres et greniers sentaient. Ce fut là que le duc de Nemours se confessa, et pendant cet acte de religion, on servit une collation composée de douze pintes de vin, de pain blanc, et des poires, pour messieurs du parlement et officiers du roi. Pour cette collation on donna douze sous parisis à celui qui l’avait fournie. Le duc de Nemours, s’étant confessé, fut conduit à l’échafaud par une galerie de charpente qu’on avait pratiquée depuis les d. chambres et greniers jusqu’à l’échafaud du Pilori, où il fut exécuté. Cent cinquante cordeliers, tenant une torche à la main, recueillirent les restes sanglants du duc de Nemours et s’en retournèrent en chantant des De Profundis. » — Le 17 octobre 1409, Jean de Montaigu, grand-maître de la maison du roi et surintendant des finances, fut conduit du Petit-Châtelet aux halles « haut assis dans une charette, vêtu de sa livrée, à sçavoir, d’une houppelande mi-partie de rouge et de blanc, le chaperon de même, une chausse rouge et l’autre blanche, des éperons dorés, les mains liées, deux trompettes devant lui, et qu’après qu’on lui eût coupé la tête, son corps fut porté au gibet de Paris, et y fut pendu au plus haut, en chemise, avec ses chausses et ses éperons dorés. » — En 1515, un autre seigneur, condamné à la peine capitale, fut exécuté au pilori des halles ; mais la maladresse du bourreau le fit si longtemps souffrir que la populace, révoltée de ce spectacle, voulut mettre l’exécuteur en pièces. Ne pouvant briser la porte du pilori elle l’incendia, et le bourreau, qui s’était blotti dans le souterrain de l’édifice, périt étouffé. — Les corps des suppliciés exécutés en place de Grève étaient déposés au pilori des halles, avant d’être transportés aux fourches de Montfaucon. Les halles possédaient encore du temps de Sauvai plusieurs curiosités qui charmaient les connaisseurs. « On admire, dit Sauval, un bas-relief, que Pierre et François Lheureux ont fait aux piliers, sous l’appui de la croisée d’une maison, où ils ont représenté des petits enfants dansant au son de la flûte ; un bas-relief que Martin le Favre a sculpté dans la rue de la Poterie, où il a figuré cinq ou six hommes vigoureux déployant leurs forces à ébranler une large colonne, et qui semblent tirés du jugement dernier de Michel-Ange ; un escalier de charpente construit dans une petite maison de la rue de la Grande-Friperie, et de telle sorte que les deux personnes qui sont logées dans cette maison et qui se servent de ce seul escalier, le montent et le descendent sans jamais pouvoir se rencontrer, se voir, ni se parler ; enfin, sur une maison du marché aux Poirées, se trouve une petite sculpture en pierre, représentant une truie qui file, fameuse par les folies aux quelles les garçons de boutique des environs, les apprentis, les servantes et les porte-faix des halles se livrent devant elle le jour de la mi-carême, sans doute par un reste du paganisme. » — À côté du pilori des halles, on voyait une croix en pierre au pied de laquelle les débiteurs insolvables venaient faire publiquement leur cession de biens et recevoir le bonnet vert des mains du bourreau. Cet usage s’est conservé fort longtemps on le modifia à la fin du XVIIe siècle ; les pauvres seuls durent s’y rendre en personne. Le bourreau avait affermé sa charge pour cette prérogative à un porte-faix de la halle ; mais bientôt les insolvables de noble origine envoyaient demander un acte écrit de leur cession, dont souvent même ils préféraient se passer. Au XVIIe siècle, le pilori des halles n’était plus employé aux exécutions ; mais le bourreau tirait toujours un bon revenu des boutiques, dont le pilori était environné ; le pilori des halles et la croix des insolvables ont disparu en 1786. — Autrefois les halles, immense rendez-vous de marchands, d’artisans de toute espèce, prenaient quelquefois une formidable attitude politique ; en tous temps elles étaient envahies par des écoliers débauchés qui volaient tout ce qu’ils trouvaient à leur convenance. Ces pillards sortaient toujours armés et transformaient ce quartier en un champ de bataille ; ils faisaient souvent cause commune avec de jeunes nobles, et rançonnaient effrontément les pauvres marchands. Sous la fronde, les habitants des halles exercèrent toute l’influence d’un parti puissant ; ils étaient fiers d’avoir à leur tête un petit-fils de Henri IV. La popularité du duc de Beaufort lui avait valu le surnom de Roi des halles ; l’attachement qu’il s’était concilié parmi les gens du peuple était porté à un si haut point, qu’il avait l’habitude de dire à son