Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/345

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après avoir consumé leurs plus belles années au service de l’État, étaient souvent réduits dans leurs vieux jours à mendier leur pain. Henri IV plaça quelques invalides dans la maison de la Charité, située dans la rue de Lourcine. Animé du même esprit d’équité et de reconnaissance, Louis XIII leur destina le château de Bicêtre. En 1634 on y fit par son ordre des réparations considérables ; on y ajouta de nouveaux bâtiments, et cette maison fut appelée la commanderie de Saint-Louis. La mort du fils de Henri IV, les troubles qui survinrent, paralysèrent l’exécution complète de ce dessein ; Louis XIV disposa de la maison de Bicêtre en faveur de l’hôpital-général et résolut de créer un établissement qui répondit à la grandeur de la nation.

Édit du roi du mois d’avril 1674, registré au parlement le 5 juin suivant. « Considérant que rien n’est plus capable de détourner ceux qui auraient la volonté de porter les armes, d’embrasser cette profession, que de voir la méchante position où se trouveraient réduits la plupart de ceux qui s’y étaient engagés, et n’ayant point de biens, y auraient vieilli ou été estropiés, si l’on n’avait point soin de leur subsistance et entretènement ; nous avons pris la résolution d’y pourvoir. Nous, de l’avis de notre conseil, avons par ce présent édit perpétuel et irrévocable, fondé, établi et affecté, fondons, établissons et affectons à perpétuité l’Hôtel Royal, que nous avons qualifié du titre des Invalides, lequel nous faisons construire au bout du faubourg Saint-Germain, pour le logement, subsistance et entretènement de tous les pauvres officiers et soldats de nos troupes, qui ont été ou seront estropiés, ou qui ayant vieilli dans le service en icelles, ne seront plus capables de nous en rendre ; duquel hôtel, comme fondateur, nous voulons être aussi le protecteur et conservateur immédiat, sans qu’il dépende d’aucun de nos officiers, et soit sujet à la visite et juridiction de notre grand-aumônier, ni autres ; et afin que le dit hôtel royal soit doté d’un revenu suffisant et assuré, qui ne puisse jamais manquer pour la subsistance et entretènement dans icelui des dits officiers et soldats invalides, nous y avons affecté et affectons à perpétuité, par ce présent édit, tous les deniers provenant des pensions, des places, des religieux laïcs, des abbayes et prieurés de notre royaume, qui en peuvent et doivent porter selon et ainsi qu’il a été réglé par nous, tant par notre déclaration du mois de janvier 1670, que par les arrêts de notre conseil d’état des 24 janvier 1670 et 27 avril 1672, etc. »

Louis XIV sut donner à l’institution dont la pensée appartenait à ses prédécesseurs les développements qu’entraînait l’accroissement des forces militaires de la France. Le roi avait posé, en 1670, la première pierre de l’Hôtel royal des Invalides. Dès l’année 1674, les bâtiments étaient assez avancés pour contenir une certaine quantité d’officiers et de soldats ; mais ce ne fut que trente ans plus tard que ce grand établissement put être achevé dans tout son ensemble, d’après les plans et sous la direction de Jules Hardouin Mansart. La façade qui regarde le septentrion a 390 m. d’étendue. La statue équestre de Louis XIV est placée au-dessus de la porte principale ; on entre ensuite dans la cour royale, qui a 118 m. de longueur sur 62 de largeur. Elle est entourée de quatre corps de logis ayant chacun deux rangs d’arcades l’un sur l’autre formant galerie. Le milieu de chaque face est accompagné d’une espèce de corps avancé avec un fronton. Quel goût dans cette simplicité ! quelle beauté dans cette cour qui n’est pourtant qu’un cloître militaire, où l’art a mêlé les idées guerrières aux souvenirs attendrissants d’un hospice. — Le grand état-major de l’hôtel habite les bâtiments de l’aile droite et de l’aile gauche de la façade. Du côté de la plaine de Grenelle sont disposés des appartements particuliers pour loger les officiers supérieurs et quelques officiers subalternes. Les autres chambres sont là pour la plupart en commun, mais leur arrangement est si bien ordonné que les militaires qui les occupent n’éprouvent aucune gêne. Dans les corps de bâtiments qu’on voit à droite et à gauche de la cour principale se trouvent quatre réfectoires où l’on remarque des peintures à fresque, représentant les sièges et les batailles les plus mémorables du règne de Louis XIV. Des galeries latérales conduisent de la cour principale à six autres cours qui ont toutes leurs destinations particulières. Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul soignent les malades avec un zèle admirable ; ces religieuses, qui sont au nombre de 28, occupent un bâtiment entièrement séparé des autres.

Au fond de la cour royale, on aperçoit l’entrée de l’église ; cet édifice, heureux complément de l’Hôtel royal des Invalides, fut commencé en 1675 ; les travaux durèrent trente ans. Il se compose d’une grande nef et de deux bas-côtés, décorés de pilastres corinthiens ; cette église est surmontée d’un magnifique dôme. Sa forme majestueuse s’élève à 71 m. et domine Paris ; la façade est tournée vers le midi ; cet édifice a 58 m. 50 c. de largeur, et 31 m. 18 c. de hauteur. Il est élevé sur un perron de plusieurs degrés, décoré des ordres dorique et corinthien, couronnés par un fronton triangulaire. Deux niches, placées à l’entrée du portail, sont remplies par les deux statues colossales de Charlemagne et de saint Louis. Un troisième ordre de colonnes corinthiennes règne autour du dôme. Les victoires de la révolution, du consulat et de l’empire, avaient orné la nef de 960 drapeaux et étendards arrachés à l’ennemi ; ces trophées disparurent en 1814. Ne voulant pas supporter l’humiliation de les rendre aux vainqueurs, les invalides les brûlèrent eux-mêmes ; 179 drapeaux ont déjà remplacé les premiers.

Dans cette magnifique église ont été déposés, le 15 décembre 1840, les restes de Napoléon. En ce moment l’art élève sous le dôme, au milieu de ce temple consacré par la religion au Dieu des armées un tombeau digne du nom qui doit y être gravé.