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Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/406

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de l’église fut entièrement changée, l’extérieur du monument lui-même fut tellement défiguré, que l’œuvre du premier architecte devint méconnaissable.

Les colonnes s’élevaient aux deux tiers de leur hauteur quand la révolution, qui grondait sourdement, éclata tout à coup. La maison de Dieu n’était pas encore sanctifiée, on l’épargna ! Ce ne fut qu’en 1799 que ses ruines si jeunes attirèrent l’attention du gouvernement. Plusieurs projets furent soumis. M. de Gisors proposa de faire de la Madeleine une bibliothèque nationale, et M. Vaudoyer un monument dans le genre du Panthéon de Rome. Les plans des deux architectes furent froidement accueillis. — Le consulat finissait, et l’empire nous arrivait avec toutes ses gloires.

« Au camp impérial de Posen, le 2 décembre 1806. — Napoléon, etc., nous avons décrété et décrétons ce qui suit : Article 1er. Il sera établi, sur l’emplacement de la Madeleine de notre bonne ville de Paris, aux frais du trésor de notre couronne, un monument dédié à la grande armée, portant sur le fronton : L’empereur Napoléon aux soldats de la Grande-Armée ! — Art. 2. Dans l’intérieur du monument seront inscrits sur des tables de marbre, les noms de tous les hommes, par corps d’armée et par régiment, qui ont assisté aux batailles d’Ulm, d’Austerlitz et d’Iéna, et sur des tables d’or massif les noms de tous ceux qui sont morts sur les champs de bataille ; sur des tables d’argent sera gravée la récapitulation, par département, des soldats que chaque département a fournis à la Grande-Armée. — Art. 3. Autour de la salle seront sculptés des bas-reliefs où seront représentés les colonels de chacun des régiments de la Grande-Armée, avec leurs noms ; ces bas-reliefs seront faits de manière que les colonels soient groupés autour de leurs généraux de division et de brigade, par corps d’armée. Les statues, en marbre, des maréchaux qui ont commandé des corps ou qui ont fait partie de la Grande-Armée, seront placées dans l’intérieur de la salle. — Art. 4. Les armures, statues, monuments de toute espèce, enlevés par la Grande-Armée dans ces deux campagnes, les drapeaux, étendars et tymbales conquis par la Grande-Armée, avec les noms des régiments ennemis auxquels ils appartenaient, seront déposés dans l’intérieur du monument. — Art. 5. Tous les ans, aux anniversaires des batailles d’Austerlitz et d’Iéna, le monument sera illuminé, et il sera donné un concert précédé d’un discours sur les vertus nécessaires au soldat, et d’un éloge de ceux qui périrent sur le champ de bataille dans ces journées mémorables. Un mois avant, un concours sera ouvert pour recevoir la meilleure pièce de musique analogue aux circonstances. Une médaille d’or, de 150 doubles Napoléons, sera donnée aux auteurs de chacune de ces pièces qui auront remporté le prix. Dans les discours et odes, il est expressément défendu de faire aucune mention de l’empereur. — Art. 6. Notre ministre de l’intérieur ouvrira, sans délai, un concours d’architecture, pour choisir le meilleur projet pour l’exécution de ce monument. Une des conditions du prospectus sera de conserver la partie du bâtiment de la Madeleine qui existe aujourd’hui, et que la dépense ne dépasse pas trois millions. Une commission de la classe des beaux-arts de notre Institut sera chargée de faire un rapport notre ministre de l’intérieur, avant le mois de mars 1807, sur les projets soumis au concours. Les travaux commenceront le 1er mai et devront être achevés avant l’an 1809. Notre ministre de l’intérieur sera chargé de tous les détails relatifs à la construction du monument, et le directeur de nos musées de tous les détails des bas-reliefs, statues et tableaux. — Art. 7. Il sera acheté cent mille francs de rente en inscriptions sur le grand-livre, pour servir à la dotation du monument et à son entretien annuel. — Art. 8. Une fois le monument construit, le grand conseil de la Légion-d’Honneur sera spécialement chargé de sa garde, de sa conservation et de tout ce qui est relatif au concours annuel. — Art. 9. Notre ministre de l’intérieur et l’intendant des biens de notre couronne seront chargés de l’exécution du présent décret. Signé, Napoléon. »

Cent vingt-sept concurrents présentèrent à la commission, composée des membres de la quatrième classe de l’Institut, cent vingt-sept plans différents. Le premier prix fut décerné, par l’Académie, à M. de Beaumont, dont le travail paraissait avoir le mieux répondu aux conditions du programme.

Mais l’approbation de l’Empereur était indispensable, et le ministre de l’intérieur dut envoyer à Tilsitt les projets des architectes, accompagnés du jugement de la commission.

Le plan de Pierre Vignon attira de suite l’attention de l’Empereur, qui dicta quelques jours après la dépêche suivante, adressée à M. de Champagny :

« Au quartier-impérial de Finckenstein, le 30 mai 1807.

» Monsieur de Champagny, après avoir examiné attentivement les différents plans du monument dédié à la Grande-Armée, je n’ai pas été un moment en doute, celui de M. Vignon est le seul qui remplisse mes intentions : c’est un temple que j’avais demandé et non une église. Que pouvait-on faire dans le genre des églises, qui fût dans le cas de lutter avec Sainte-Geneviève, même avec Notre-Dame, et surtout avec Saint-Pierre de Rome ? Le projet de M. Vignon réunit, à beaucoup d’avantages, celui de s’accorder mieux avec le Palais-Législatif et de ne pas écraser les Tuileries.

» Lorsque j’ai fixé la dépense à trois millions, j’ai entendu que ce temple ne devait pas coûter plus que ceux d’Athènes, dont la construction ne s’élevait pas à la moitié de cette somme.

» Il m’a paru que l’entrée de la cour devait avoir lieu par l’escalier vis-à-vis le trône, de manière qu’il