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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/230

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laissé fort tranquilles les commerçants, les financiers et en général tous ceux qui, étant riches, peuvent payer des privilèges. Donc si on désirait viser les exploiteurs on s’est trompé, car on a surtout frappé les artisans et les misérables. A-t-on au moins obtenu une amélioration dans la situation des paysans ? Non. Le paysan russe, accablé d’impôts depuis sa libération, exploité par le fisc et par les agents du gouvernement, est la proie fatale des usuriers. Le Juif a été remplacé partout par le Koulak (le paysan prêteur) qui sévissait déjà dans tous les villages de Russie où n’étaient pas les Juifs — c’est-à-dire la majorité des villages russes. Or, on n’a pris aucune mesure contre les Koulaks. L’expulsion des Juifs n’a donc pas pour cause la défense des paysans. Ils excitent aussi à l’ivrognerie, assure-t-on. Or, disait Katkoff, peu suspect puisqu’il était antisémite, l’alcoolisme est plus répandu dans le centre et le nord de la Russie, endroits où il n’y a que peu de Juifs, que dans le sud-ouest où ils exercent la profession de cabaretier. C’est fort naturel ; l’alcool, qui est déjà une nécessité pour les miséreux dont la nutrition est insuffisante, est plus nécessaire encore dans les pays froids. Les Juifs ne seraient pas cabaretiers, qu’ils seraient remplacés par d’autres, et d’ailleurs l’expulsion des Juifs n’est pas une lutte contre l’alcoolisme, puisqu’on n’a pris aucune mesure contre les débitants chrétiens plus nombreux que les débitants israélites.

Des fraudes que l’on reproche aux négociants juifs riches nous ne pouvons nous occuper, puisque préci-