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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/264

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des tribus victorieuses ayant imposé de tout temps leur langue à d’autres tribus étrangères, sans que ces tribus y aient eu des aptitudes natives ; donc la classification des langues ne peut en rien déterminer la classification ethnique du genre humain.

Néanmoins et quelque insoutenable que soit la doctrine de l’inégalité des races, soit au point de vue linguistique, soit au point de vue anthropologique, elle n’en a pas moins dominé notre temps, et les peuples ont poursuivi et poursuivent encore cette chimère de l’unité ethnologique qui n’est que l’héritage d’un passé mal informé et, à vrai dire, une forme de régression. L’antiquité eut les plus grandes prétentions à la pureté du sang, et aujourd’hui c’est chez les nègres africains et chez certains sauvages que l’idée de race est la plus répandue et la plus enracinée.

Cela se comprend. Les premiers liens collectifs furent les liens du sang ; la première unité sociale, la famille, fut fondée sur le sang ; la cité fut considérée comme un élargissement de la famille, et à l’aurore de chaque ville, la légende plaça un couple ancestral, de même que dans certaines religions on plaça un couple initial aux débuts de l’humanité[1]. Lorsque des éléments humains nouveaux arrivèrent dans ces agglomérations, on eut besoin de perpétuer cette croyance à l’identité originelle,

  1. Le dixième chapitre de la Genèse nous présente un des types les plus parfaits de cette croyance, dans la généalogie de la postérité des fils de Noé ; à la tête de chaque groupe humain de chaque nation est placé un ancêtre.