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Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/314

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déjà[1], à rétablir les lois anciennes, limitatives des droits des Juifs considérés comme étrangers. Ainsi se réalise cette contradiction fondamentale et perpétuelle de l’antisémitisme nationaliste : parce que le Juif ne s’est pas assimilé, n’a pas cessé d’être un peuple, l’antisémitisme est né dans les sociétés modernes, mais quand l’antisémitisme a eu constaté que le Juif n’était pas assimilé, il le lui a reproché violemment et, en même temps, il a pris, quand il l’a pu, toutes les mesures nécessaires pour empêcher son assimilation future.

Toutefois, à côté de ces tendances nationalistes, des tendances contraires, opposées, existent. Au-dessus des nationalités il y a l’humanité ; or, cette humanité si fragmentée au début, composée de milliers de tribus ennemies se dévorant l’une l’autre, cette humanité devient très homogène. Les divers peuples, malgré leurs différences, possèdent un fond commun ; au-dessus de toutes les consciences nationales, une conscience générale se forme ; il y avait jadis des civilisations, nous marchons maintenant vers une civilisation ; autrefois, Athènes s’opposait à sa voisine Sparte ; désormais, si les dissemblances de nation à nation persistent, les ressemblances s’accentuent. De même que chaque individu d’une nation possède à côté de ses qualités spéciales, qui constituent son essence et sa personnalité, des qualités communes à ceux qui parlent la même langue et ont

  1. Voir Ch. IX.