Aller au contenu

Page:Lazare - L’Antisémitisme, 1894.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

théologiens hétérodoxes les eussent remplacés, mais ils existèrent, et existant, ils ne furent pas inactifs. D’ailleurs, leur esprit travaillait au-dessus d’eux, et la Bible devint l’utile servante du libre examen. La Bible fut l’âme de la réforme, elle fut l’âme de la révolution religieuse et politique anglaise ; c’est la Bible à la main que Luther et les révoltés anglais préparèrent la liberté, c’est par la Bible que Luther, Mélanchton et d’autres encore vainquirent le joug de la théocratie romaine, et la tyrannie dogmatique ; ils les vainquirent aussi par l’exégèse juive que Nicolas de Lyra avait transmise au monde chrétien. Si Lyra non Lyrasset, Lutherus non saltasset, disait-on, et Lyra était l’élève des Juifs ; il était tellement pénétré de leur science exégétique qu’on l’a cru Juif lui-même. Là encore, les Juifs ne furent pas la cause de la Réforme, et il serait absurde de le soutenir, mais ils en furent les auxiliaires. Voilà ce qui doit séparer l’historien impartial de l’antisémite. L’antisémite dit : le Juif est le « préparateur, le machinateur, l’ingénieur en chef des révolutions »[1]" ; l’historien se borne à étudier la part que le Juif, étant donné son esprit, son caractère, la nature de sa philosophie et de sa religion, a pu prendre au procès et aux mouvements révolutionnaires. J’entends par procès révolutionnaire la marche idéologique de la révolution, ou plutôt de ce que les conservateurs appellent la révolution, et qui peut se représenter

  1. Gougenot des Mousseaux : Le Juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens, p. XXV.